«A chaque âge son art, à chaque âge sa liberté». Plus d'un siècle après cette déclaration des artistes de la Sécession viennoise, Vienne a dû trouver un moyen de contourner la censure, selon «The Guardian». Après avoir vu un nombre croissant de ses œuvres censuré sur les très restrictifs Facebook, Instagram et même TikTok, les musées de la capitale viennoise refusent de céder au puritanisme: pour continuer à publier leurs nus, ils ouvrent un compte sur le réseau pour adulte OnlyFans.
Ce réseau est le seul qui autorise la nudité. Permettant de s'abonner à des contenus payants, il est très prisé des créateurs de contenu interdit aux moins de 18 ans. Ce contournement de la part de l'Office du tourisme de Vienne se veut aussi polémique: il cherche à alerter sur la restriction de la liberté artistique.
Helena Hartlauer, porte-parole, explique que la Ville et ses institutions culturelles se sont retrouvées face à un non-sens: elles ont dû renoncer à utiliser des nus sur leur matériel promotionnel. Ce dernier, considéré comme explicite par les plateformes, se voyait censuré sur les réseaux sociaux. «Nous aurions bien sûr pu travailler sans elles, mais ces œuvres d'art sont importantes et centrales pour Vienne! L'auto-portrait de Schiele de 1910 est l'une des pièces artistiques les plus iconiques. Je trouve ça frustrant et injuste qu'elle ne puisse pas être utilisée sur les réseaux sociaux, un moyen de communication important. C'est pourquoi nous avons pensé [à OnlyFans]: voici enfin une façon de montrer ces œuvres!»
Instagram et Facebook font face depuis longtemps à de nombreuses critiques...et sont pourtant des plateformes essentielles pour la promotion des contenus artistiques. Récemment, Instagram a censuré l'affiche du dernier film de Pedro Almodovar, montrant un téton d'où jaillit une goutte de lait. Après avoir essuyé un tollé, le réseau avait dû s'excuser.
Mais la porte-parole tient à rappeler auprès de «The Guardian» qui sont les premiers lésés par cette politique restrictive. «En comparaison aux artistes, l'Office du tourisme et même les collections d'art s'en sortent bien! Nous voulons juste questionner [sur les pratiques de ces plateformes]: a-t-on vraiment besoin de ces limitations? Qui décide de ce qui doit être censuré? Instagram censure parfois des images sans que le producteur de contenu le sache: ce n'est absolument pas transparent.»
Un but marketing?
Les premiers abonnés au compte «Vienna's 18+ content» recevront une une carte de réduction et de transport pour visiter la ville ou un ticket pour voir l’une des peintures concernées. Mais Helena Hartlauer affirme que cette campagne n'est pas qu'un coup de pub: il s'agit aussi de défendre la liberté artistique. «Cette initiative marketing ne prétend pas résoudre la relation problématique entre le monde et les réseaux sociaux, mais nous voulons nous lever pour défendre nos valeurs et ce en quoi nous croyons. Vienne a toujours été connue comme une ville ouverte d'esprit.» Une volonté de jouer avec l'intérêt du public pour la nudité qui n'est pas sans rappeler d'autres initiatives du même genre. (piu)