Port du voile polémique pendant une visite
Une spécialiste du DFAE défend l'ambassadrice de Suisse en Iran

L'affaire fait grand bruit. Mercredi, c'est en portant un voile que l'ambassadrice de Suisse en Iran a visité un site religieux. La cheffe de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord au Département des affaires étrangères la défend. Interview.
Publié: 24.02.2023 à 20:29 heures
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Dernière mise à jour: 25.02.2023 à 09:11 heures
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L'ambassadrice suisse Nadine Olivieri Lozano s'est rendue voilée sur un site sacré à Qom, en Iran.
Photo: Screenshot Instagram
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Sara Belgeri

L’apparition de l’ambassadrice suisse Nadine Olivieri Lozano en Iran a fait parler. Mercredi, la diplomate avait visité voilée un lieu saint dans la ville iranienne de Qom. Aux yeux de détracteurs du régime, elle légitimait ainsi le régime des mollahs qui réprime violemment depuis des mois les protestations de la population et qui a rapidement utilisé la présence de l’ambassadrice à des fins de propagande.

Mais comment en est-on arrivé à cette visite voilée? Blick a posé la question à Maya Tissafi, cheffe de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et ancienne ambassadrice à Abou Dhabi.

Compte tenu de la situation actuelle en Iran, en quoi est-il utile pour la Suisse de visiter un site religieux en compagnie de mollahs?
La visite était destinée à une institution académique qui travaille dans le domaine du dialogue interreligieux. Des étudiants de nombreux pays, y compris européens, y étudient. Près de 50% d’entre eux sont des femmes. Les étudiants de cette institution participent également à des séminaires en Suisse. L’ambassade suisse est responsable de la délivrance des visas pour les étudiants. Il est donc important que notre représentante sur place connaisse cette institution. Dans ce contexte, l’ambassadrice Nadine Olivieri Lozano a effectué une brève visite d’un site religieux. Le dialogue entre les confessions revêt une grande importance. En particulier dans le contexte actuel, car ces milieux ont une grande influence sur les thèmes sociopolitiques. Et la Suisse utilise tous les canaux pour promouvoir le dialogue et faire valoir ses préoccupations et ses valeurs.

L’ambassadrice Nadine Olivieri Lozano n’envoie-t-elle pas ainsi un signal de soutien au régime iranien?
L’Iran connaît parfaitement la position de la Suisse. Nous avons condamné à plusieurs reprises et avec véhémence la réaction violente des forces de sécurité face aux protestations, tant au niveau bilatéral que multilatéral. Récemment encore, nous avons eu un dialogue au cours duquel nous avons clairement souligné notre engagement en faveur des droits de l’Homme. Nous avons notamment critiqué les exécutions de personnes participant à des manifestations et souligné l’importance d’avoir le droit à un procès équitable et à la liberté d’expression. Pour pouvoir exercer sa fonction d’ambassadrice, Nadine Olivieri Lozano doit également connaître son pays d’accueil et pas seulement Téhéran. Cela implique des visites en dehors de la capitale. En fait, ce sont des tâches standards. Tous nos précédents ambassadeurs se sont rendus à Qom.

Plusieurs personnalités politiques suisses, dont l’ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, critiquent cette visite. Elle parle d’un «signe douteux» et affirme qu’elle aurait elle renoncé à se prêter à cet exercice.
Je dois réaffirmer que nous misons sur le dialogue et que nous utilisons tous les canaux de communication dont nous disposons, malgré des divergences d’opinion considérables avec le régime. Nous le faisons pour pouvoir dialoguer sur les droits de l’homme et des femmes. L’ambassadrice s’est aussi rendue sur place pour visiter l’institution académique et établir le contact. Comme la Suisse accorde des visas, elle est obligée de connaître cette institution.

Pourquoi l’ambassadrice portait-elle un tchador et pas simplement un foulard?
En Iran, le port du foulard est une loi et non une recommandation culturelle. Les diplomates doivent se conformer à la juridiction du pays d’accueil. C’est ce que nous attendons également à Berne ou à Genève de la part des représentants d’autres États. Des règles vestimentaires s’appliquent au lieu saint visité par l’ambassadrice Nadine Olivieri Lozano. Un vêtement couvrant tout le corps y est obligatoire.

L’ambassadrice n’est-elle pas consciente qu’une telle apparition peut être utilisée par le régime à des fins de propagande?
Nous sommes conscients que chaque démarche de l’ambassadrice peut être instrumentalisée par différentes parties. Mais nous ne voulons pas nous laisser intimider par cela. Nous nous engageons pour un dialogue avec toutes les parties. Il est important d’employer des femmes compétentes dans des contextes difficiles. J’insiste sur ce point, car c’est la deuxième fois que la Suisse envoie une personne du sexe féminin pour occuper ce poste en Iran. C’est un signe fort vis-à-vis de ce pays, où il n’y a en tout et pour tout que cinq femmes ambassadrices.


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