Fonds russes, humanitaire en Ukraine
Micheline Calmy-Rey appelle le Conseil fédéral à se réveiller sur l'Ukraine

L'ancienne ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey est d'accord avec le Conseil fédéral pour dire que la Suisse ne doit pas livrer d'armes à l'Ukraine. Elle le critique toutefois vivement sur l'aide humanitaire et le gel des fonds russes. Interview.
Publié: 24.02.2023 à 08:30 heures
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Dernière mise à jour: 24.02.2023 à 21:51 heures
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Christian Dorer, rédacteur en chef du groupe Blick, a rencontré l'ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey pour une interview.
Photo: Thomas Meier
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Christian Dorer

La Russie a envahi l'Ukraine il y a exactement un an, le 24 février 2022, et mène depuis une guerre d'agression brutale. Des millions de personnes ont fui, des milliers sont mortes. Les destructions sont immenses.

Comment trouver une issue à cette catastrophe? Et quel est le rôle de la Suisse et de la neutralité? L'ancienne ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey s'est exprimée à ce sujet dans l'émission «Hier fragt der Chef» de Blick TV. Il y a un an jour pour jour, elle était déjà l'invitée de l'émission, lorsque la guerre a éclaté. Interview.

Madame Calmy-Rey, auriez-vous pensé que l'Ukraine se serait montrée aussi courageuse après un an de guerre?
C'est une bonne nouvelle. Grâce à l'aide des pays occidentaux, l'Ukraine peut résister. Ce à quoi nous assistons, c'est à une renaissance de l'OTAN. On aide ce pays avec des armes, mais on ne veut pas entrer en guerre directe avec la Russie.

Ne s'agit-il pas depuis longtemps d'une guerre entre la Russie et l'Occident?
C'est ce qu'a déclaré Vladimir Poutine dans son dernier discours. Il affirme que Washington et l'OTAN ont convenu depuis longtemps de lutter contre la Russie.

Craignez-vous une extension de la guerre?
Une telle escalade serait dangereuse. Elle signifierait une troisième guerre mondiale. C'est pourquoi ce conflit est un défi pour les pays occidentaux. Ils veulent aider, mais en même temps ne pas empirer la situation, pour ne pas être eux-mêmes impliqués.

Nos voisins fournissent des armes à l'Ukraine. La Suisse n'autorise même pas la réexportation de nos munitions. Notre pays ne se trouve-t-il pas ici du mauvais côté de l'histoire?
Non, je ne pense pas. La Suisse a condamné les agressions de la Russie et a imposé des sanctions. Le cœur de la neutralité helvétique stipule que nous ne devons pas participer à une guerre militaire entre États. Nous devons défendre notre territoire, mais ne pas mettre nos troupes et nos armes à la disposition d'autres pays.

Vous êtes donc satisfait du Conseil fédéral?
Je regrette que le Conseil fédéral ne fasse pas preuve de leadership dans ce domaine. C'était déjà le cas il y a un an, lorsqu'il a dû décider des sanctions. Maintenant, nous avons la même chose avec l'exportation d'armes. Il ne prend pas les rênes de cette question, il laisse les commissions du Parlement se débrouiller seules. Il pourrait apporter des arguments, dire ce qu'il veut. Mais, non!

Le Conseil fédéral s'explique-t-il trop peu?
Il n'échange pas du tout avec les autres pays. Nous l'avons également vu lors de la conférence sur la sécurité à Munich le week-end dernier. Le Conseil fédéral se contente de dire: «Le Parlement en discute». Et il préfère attendre qu'il trouve un compromis. Au lieu de cela, il devrait expliquer en Suisse et à l'étranger ce que nous pourrions faire de plus dans d'autres domaines. Par exemple, dans le déminage. Là, nous avons une petite industrie.

Comment la Suisse peut-elle jouer un rôle dans la médiation?
Une médiation directe est exclue. La Suisse pourrait toutefois aider à l'échange de prisonniers ou à l'accord sur les céréales. Nous sommes désormais membre du Conseil de sécurité de l'ONU à New York. Elle pourrait donc aussi aider à soulager les souffrances du peuple ukrainien et s'engager beaucoup plus dans des projets humanitaires.

Il y a un an déjà, le jour où la guerre a éclaté, vous avez plaidé pour des sanctions sévères dans un entretien avec Blick. Le sont-elles assez?
La Suisse a repris les sanctions de l'UE, c'est vrai. Mais elle pourrait aussi faire plus, par exemple en ce qui concerne l'argent des oligarques. Sur ce point, nous ne faisons pas le maximum. Selon des informations de l'Association suisse des banquiers, nos banques détiennent 200 milliards de francs d'argent d'oligarques. Mais nous n'en avons bloqué que sept ou huit milliards de francs.

Il y a un an, vous n'étiez pas optimiste quant au déroulement de la guerre. Vous disiez: «On ne peut pas arrêter Vladimir Poutine». Qu'en est-il aujourd'hui?
Ce qui est en jeu pour la Russie, c'est l'accès à la mer Noire. Vladimir Poutine a besoin de la Crimée. Et tant que personne ne sera prêt à négocier, la guerre continuera. Malheureusement.

Y a-t-il quelque chose qui vous rend optimiste face à toute cette souffrance?
Je ne pense pas qu'on puisse être optimiste. Car le résultat de cette guerre est aussi, entre autres, un rapprochement entre la Chine et la Russie. Deux pays qui souhaitent un autre ordre mondial. C'est une guerre entre deux empires. Des gens souffrent en Ukraine, en Russie, dans toute l'Europe. La fin de la guerre ne viendra que lorsqu'une partie belligérante dira: «Ça suffit maintenant, nous ne pouvons pas nous permettre encore plus de morts et de destructions». Ce n'est qu'alors que les deux parties s'assoiront à la table des négociations.

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