Trois ans jour pour jour après l'invasion par la Russie, Emmanuel Macron tente lundi de jeter un pont sur le véritable gouffre qui s'est ouvert entre Donald Trump et les Européens à propos de la guerre en Ukraine.
«Depuis trois ans l'Ukraine se bat avec un courage qui force le respect contre un agresseur, la Russie», a écrit le président français dans un message publié sur le réseau social X, en ajoutant: «Notre soutien à l'Ukraine restera inébranlable. Je suis à Washington pour le rappeler et avancer avec le Président Trump et nos alliés.» Le président américain, lui, a estimé récemment que l'Ukraine était responsable de la guerre, tout en entamant un spectaculaire rapprochement avec Moscou.
ONU
En parallèle de la rencontre à Washington, les Américains et les Européens ont engagé un bras de fer à l'ONU autour de deux résolutions concurrentes sur la guerre en Ukraine. Les Etats-Unis ont fait savoir qu'ils n'accepteraient pas la moindre modification de leur texte, lequel appelle en trois paragraphes à mettre une «fin rapide» au conflit, sans faire mention de l'intégrité territoriale de l'Ukraine ni de l'invasion russe.
Le président français a déjà participé lundi matin depuis la Maison Blanche, avec son homologue américain, à une visioconférence des dirigeants du G7 (France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Japon, Allemagne, Italie). En quittant les lieux à pied, il a assuré avoir été reçu de manière «très amicale».
Le président français veut présenter au milliardaire républicain des «propositions d'action» pour conjurer la «menace russe» en Europe et garantir une «paix durable» qui ne vire pas au diktat pour les Ukrainiens Il sera reçu de manière solennelle à la Maison Blanche à 12h00 (18h00 en Suisse) pour un entretien en tête-à-tête, suivi d'un déjeuner et d'une conférence de presse conjointe prévue à 14h00 (20h00 en Suisse). A voir si Emmanuel Macron et Donald Trump échangeront alors l'une de ces poignées de main prolongées et très vigoureuses qui ont fait la joie des médias lors de précédentes entrevues.
«Résistance»
Plusieurs dirigeants étrangers se sont eux réunis lundi dans la capitale ukrainienne pour manifester leur solidarité aux côtés de Volodymyr Zelensky, lequel a salué «trois ans de résistance». Rompant avec la politique de soutien massif à Kiev de son prédécesseur Joe Biden, Donald Trump a décidé que son interlocuteur privilégié serait le président russe Vladimir Poutine, tout en accablant le chef d'Etat ukrainien.
Trois ans après avoir tenté, en vain, de dissuader Vladimir Poutine de passer à l'attaque, Emmanuel Macron se lance auprès du président américain dans une mission tout aussi incertaine. Il vient à Washington en porte-parole des Européens, membres de l'UE ou de l'Otan, après avoir échangé avec la quasi-totalité de leurs dirigeants. Emmanuel Macron veut convaincre son homologue américain, qui n'a jamais caché sa fascination pour les dirigeants autoritaires, que la Russie constitue une «menace existentielle» et que Vladimir Poutine «ne respectera pas» forcément un cessez-le-feu.
Psychologie
Le président français cherchera le bon registre psychologique face à un interlocuteur qui applique aux affaires diplomatiques les méthodes brutales de l'homme d'affaires qu'il fut, et qui rejette en bloc toute politique étrangère guidée par la défense des valeurs démocratiques.
Emmanuel Macron s'est en particulier coordonné avec le Premier ministre britannique Keir Starmer, attendu à son tour jeudi à Washington. Londres et Paris travaillent sur le déploiement d'une force européenne en Ukraine, une fois un accord de paix conclu, afin de dissuader la Russie d'attaquer une nouvelle fois.
Les deux capitales espèrent en contrepartie de «solides garanties de sécurité» américaines. Au-delà de l'Ukraine, tout l'équilibre transatlantique échafaudé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale est menacé par le retour au pouvoir de Donald Trump, en matière de défense comme d'échanges commerciaux. Alors que le président américain brandit la menace de droits de douane très lourds à tout-va, les Européens se disent prêts à riposter. «Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs» douaniers, a averti Emmanuel Macron samedi.