La Corée du Nord a tiré jeudi l'un de ses missiles les plus puissants avec l'objectif affiché de renforcer sa dissuasion nucléaire, sa première démonstration de force depuis qu'elle a été accusée d'avoir envoyé des milliers de soldats en Russie.
L'armée sud-coréenne «a détecté un missile balistique lancé depuis la région de Pyongyang en direction de la mer de l'Est vers 7h10 (22h10 GMT mercredi)», a déclaré l'état-major interarmées sud-coréen, en employant le nom coréen de la mer du Japon.
Ce missile, selon le ministre japonais de la Défense, appartient à «la catégorie des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM)», qui ont une portée d'au moins 5500 kilomètres et sont généralement conçus pour porter des charges nucléaires.
Pékin, Washington et l'UE préoccupés
Pékin a réagi à ce tir en faisant part de sa préoccupation face à la montée des tensions entre les deux Corées.»En tant que voisin proche de la péninsule coréenne, la Chine est préoccupée par l'évolution de la situation dans la péninsule», a indiqué Lin Jian, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, appelant à une «résolution politique de la question de la péninsule». «Nous espérons que toutes les parties feront des efforts pour atteindre cet objectif», a-t-il déclaré lors d'un point de presse régulier à Pékin.
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Le tir nord-coréen a eu lieu quelques heures après que les chefs de la défense des Etats-Unis et de la Corée du Sud ont appelé Pyongyang à retirer ses troupes de Russie, où, selon Washington et Séoul, quelque 10'000 soldats ont été déployés en vue d'une éventuelle action contre les forces ukrainiennes.
Pyongyang, qui n'a pas confirmé ou infirmé la présence de troupes en Russie, a confirmé un test «crucial», entrant dans le cadre de sa volonté de «renforcer ses forces nucléaires, supervisé par son dirigeant Kim Jong Un. «Le tir d'essai (...) répond pleinement à l'objectif d'informer nos rivaux (...) de notre volonté de riposter», a dit M. Kim lors du lancement, selon l'agence d'Etat nord-coréenne KCNA.
Ce nouveau tir nord-coréen a été «fermement» condamné par la Maison Blanche qui a dénoncé une «violation flagrante» des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU.
L'Union européenne condamne quant à elle «fermement» le tir d'un missile intercontinental par la Corée du Nord, une «violation flagrante de plusieurs résolutions» de l'ONU, a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell dans un communiqué jeudi. «Ce lancement illégal montre» que la Corée du Nord «a toujours l'intention de mettre au point des moyens de lancer des armes de destruction massive», a-t-il estimé. Josep Borrell se rend au Japon et en Corée du Sud à partir de vendredi, un déplacement déjà prévu avant le tir nord-coréen.
En vertu de sanctions prises à l'ONU, Pyongyang a l'interdiction d'effectuer de quelconques essais d'armes recourant à la technologie balistique.
Un tir d'essai crucial pour Pyongyang
Le tir nord-coréen «semble avoir été mené pour détourner l'attention des critiques internationales sur le déploiement de ses troupes» en Russie, a déclaré à l'AFP Yang Moo-jin, président de l'Université des études nord-coréennes à Séoul.
L'armée sud-coréenne avait prévenu la veille que le Nord, doté de l'arme nucléaire, se préparait à tester un missile balistique intercontinental, voire à procéder à un essai nucléaire, peut-être avant la présidentielle américaine du 5 novembre. «Notre armée a relevé son niveau d'alerte et partage étroitement avec les autorités américaines et japonaises les informations concernant le missile balistique de la Corée du Nord, en maintenant un niveau de préparation élevé», a précisé l'état-major interarmées sud-coréen.
La Corée du Nord procède généralement aux tirs d'essai de ses missiles les plus puissants et de plus longue portée sur une trajectoire ascendante, c'est-à-dire vers le haut et non vers l'extérieur, pour éviter de survoler les pays voisins. «C'était le temps de vol le plus long jamais enregistré (pour un missile nord-coréen)», a de son côté commenté devant des journalistes le ministre japonais de la Défense Gen Nakatani.
Tensions après le déploiement de soldats nord-coréens
Selon Washington et Séoul, quelque 10'000 soldats nord-coréens se trouvent en Russie, sans que leur mission soit clairement identifiée. «Le fait qu'un nombre aussi important de soldats se soit déplacé vers l'ouest suggère qu'il est peu probable qu'ils soient partis simplement pour observer», a déclaré un responsable du bureau présidentiel sud-coréen.
Pour le ministre sud-coréen de la Défense, Kim Yong-hyun, le déploiement nord-coréen pourrait «entraîner une escalade des menaces pour la sécurité de la péninsule coréenne». Il fait craindre aussi une escalade dans le conflit en Ukraine, deux ans et demi après le lancement de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine lancée par Vladimir Poutine.
La Corée du Sud, une importante exportatrice d'armes, a fait savoir qu'elle étudiait la possibilité d'envoyer de l'armement directement à l'Ukraine en guise de réponse, ce à quoi elle s'opposait jusqu'à présent en raison d'une politique nationale de longue date qui l'empêchait de fournir des armes dans des conflits actifs.
Séoul accuse depuis longtemps le Nord d'envoyer des armes pour aider Moscou à combattre Kiev. La Corée du Nord a récemment renforcé ses liens militaires avec Moscou, le président Vladimir Poutine ayant effectué une rare visite à Pyongyang en juin, signant un accord de défense mutuelle avec Kim Jong Un.
Les Etats-Unis reçoivent la Corée du Sud pour discuter
Les Etats-Unis et la Corée du Sud se consultent jeudi à Washington après le tir d'un missile intercontinental par la Corée du Nord, déjà accusée d'avoir envoyé des milliers de soldats en Russie.
Les ministres américains des Affaires étrangères et de la Défense, Antony Blinken et Lloyd Austin, reçoivent leurs homologues sud-coréens, Cho Tae-yul et Kim Yong-hyun, au département d'Etat.