L'envoi 10'000 de soldats nord-coréens en soutien à la Russie dans la guerre en Ukraine peut sembler peu dans l'immensité des troupes engagées. Pourtant, cette mission pourrait avoir des lourdes conséquences. Selon le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, ce déploiement signifie pour les Russes une «escalade significative» et une internationalisation de la plus grande guerre en Europe depuis des décennies.
Cela deviendrait surtout dangereux si la Corée du Sud mettait sa menace à exécution et s'engageait, elle aussi dans la guerre en Ukraine, ou si les Russes apportaient en contrepartie leur soutien aux Nord-Coréens. Les experts mettent en garde contre une escalade impliquant les deux plus grandes armées du monde, à savoir, celle des Etats-Unis et de la Chine.
Des forces bien entrainées
Entre-temps, les observateurs estiment que le dictateur nord-coréen Kim Jong Un apporte son soutien aux Russes dans la guerre contre l'Ukraine avec près de 10'000 soldats. Selon foreignpolicy.com, les services secrets sud-coréens ont identifié que ces unités faisaient partie des forces spéciales du XIe Corps de la Corée du Nord. Ce corps, qui compte au total 200'000 hommes, serait bien nourri, hautement entraîné, fidèle à Kim Jong Un et particulièrement doué pour les opérations d'infiltration.
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Après une formation à la conduite de la guerre russe, les mercenaires devraient être engagés sur le front à partir de novembre. Ils devraient probablement être envoyés dans la région de Koursk, où les Ukrainiens ont conquis le territoire russe. Il y a quatre mois, Moscou et Pyongyang s'étaient promis une assistance mutuelle en cas d'attaque d'un pays. Ce partenariat stratégique a été ratifié jeudi 24 octobre par le Parlement russe.
«Très, très grave problème»
L'étau se resserrerait pour les Ukrainiens. Comme ils sont déjà en difficulté dans la région de Koursk, «environ 10'000 soldats prêts au combat pourraient faire une différence décisive», détaille Rob Lee du programme Eurasie du Foreign Policy Research Institute en Pennsylvanie à foreignpolicy.com. Une réaction ukrainienne à Koursk signifierait un affaiblissement sur d'autres parties du front, ce qui pourrait faire du petit contingent nord-coréen un multiplicateur pour les forces militaires de Poutine en difficulté.
Le fait que la Russie ait recours à l'aide nord-coréenne - des missiles et des grenades sont également livrés par Pyongyang - est qualifié de «très, très grave problème» par le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin. Alors, que veut-il dire par là? La Corée du Sud reconsidère apparemment sa politique de soutien jusqu'ici réservée et envisage pour la première fois de livrer des armes à l'Ukraine. Selon l'agence de presse Reuters, il s'agirait d'armes défensives. Mais Séoul envisagerait aussi, dans un deuxième temps - en fonction de l'activité des Nord-Coréens - une utilisation offensive.
Selon Rüdiger Frank, expert de la Corée du Nord à l'université de Vienne, la Corée du Sud a tout intérêt à entretenir un certain niveau de tension avec son voisin du Nord. Interrogé par Blick, il explique que cette stratégie répond à plusieurs objectifs : avec l'approche des élections américaines, Séoul cherche à rester sur le radar de Washington. Par ailleurs, le pays profite de ventes lucratives de matériel militaire. Enfin, le président Yoon Suk-yeol, dont le taux de popularité stagne sous la barre des 25 %, pourrait espérer redorer son image à travers cette politique.
S'attendre à tout
Une confrontation entre Coréens du Sud et du Nord dans la guerre en Ukraine pourrait avoir des répercussions sur la péninsule coréenne, déjà sous haute tension. En effet, Pyongyang obtiendra probablement une contrepartie de la Russie pour les soldats envoyés.
Markus Garlauskas, directeur de l'Indo-Pacific Security Initiative du Scowcroft Center et ancien agent de renseignement américain pour la Corée du Nord, parle de «ressources, de technologies militaires et de capacités qui pourraient changer fondamentalement la situation sécuritaire dans la péninsule coréenne et dans toute la région indo-pacifique». En fonction de l'offre de Moscou, Kim Jong Un pourrait «atteindre un point d'inflexion dans son calcul d'escalade, conduisant à une crise militaire ou à un conflit armé dans la péninsule», constate Markus Garlauskas.
L'ancien agent n'exclut pas une escalade impliquant la Chine, partenaire économique de la Corée du Nord, et les Etats-Unis, alliés de la Corée du Sud. Selon l'expert, «cela aurait indirectement un impact bien plus important sur la guerre en Ukraine que ce que les soldats nord-coréens eux-mêmes apportent au combat». Et Rüdiger Frank déclare également à Blick: «Aujourd'hui, il faut s'attendre à tout.»