Entre le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza et la guerre en Ukraine, la situation géo-politique mondiale actuelle est de plus en plus tendue. Pour y faire face, les Forces aériennes suisses veulent à nouveau pouvoir utiliser les autoroutes comme des pistes de décollage et d'atterrissage pour les avions de combat. Les premières manœuvres devraient avoir lieu dès cet été sur l'A1 entre Berne et Lausanne, comme l'annonçait Blick.
Bien que surprenante aux premiers abords, cette décision n'est pas dénuée de sens. La défensive menée par les Ukrainiens contre l'offensive de son opposant russe est un parfait exemple de l'importance de pistes d'atterrissage alternatives en temps de guerre.
Un tronçon rectiligne de trois kilomètres suffit
Tout a commencé en 2022, lors de l'invasion russe. Une partie de l'armée de l'air ukrainienne ne résista pas aux bombardements de l'armée de Poutine. Faute de matériel suffisant, les soldats de Zelensky sont alors contraints de réparer leurs jets et de les répartir sur d'autres sites. Et il s'avère que les autoroutes sont des pistes de décollage tout à fait adaptées. Les Ukrainiens font à nouveau décoller leurs avions pour la plus grande frustration des Russes.
Malgré l'offensive russe et les menaces toujours plus violentes de Poutine, l'armée de l'air ukrainienne enregistre plusieurs succès. Fin 2023, les forces armées sont parvenues à détruire le navire de débarquement russe Novotcherkassk de la flotte de la mer Noire dans la ville portuaire de Théodosie. Plus récemment, l'armée ukrainienne gagnait encore des combats près du village de Krynky grâce, notamment, à l'utilisation de mines.
Les seules exigences pour l'utilisation de routes en tant que pistes sont un tronçon rectiligne d'environ trois kilomètres avec une hauteur de passage suffisante. Plusieurs tronçons de ce type existent en Ukraine: du temps de l'Union soviétique, Moscou avait développé les routes et les autres infrastructures en tenant compte d'un scénario de guerre, tout comme en Ukraine.
Une vidéo d'avril 2023 montre des SU-27 et des MiG-29 ukrainiens utiliser une route comme piste d'atterrissage. Le lieu et la date de la vidéo n'ont pas pu être déterminés de manière exacte. Mais les observateurs supposent que les décollages ont été effectués depuis la route dans la région du Donbass. Les médias russes ont également confirmé que les Ukrainiens utilisaient des sites de décollage et d'atterrissage alternatifs à proximité de la ligne de front.
D'autres pays s'entraînent également
Denis Trubetskoy est correspondant politique à Kiev. Il confirme l'utilité de ces pistes d'atterrissage à Blick: «Comme la Russie a les moyens d'atteindre des cibles en quelques minutes, par exemple avec les missiles Kinchal, avoir des solutions spontanées et flexibles est fondamental pour la défense. On ne peut pas toujours se permettre de voler jusqu'à l'aéroport le plus proche.»
Les aérodromes ukrainiens font toujours partie des principales cibles de la Russie. «Le grand aérodrome militaire du district de Khmelnytskyï, dans l'ouest de l'Ukraine, fait régulièrement l'objet d'attaques massives. La dernière en date remonte au 6 janvier», poursuite l'intervenant.
Les Polonais et les Finlandais, voisins directs de la Russie, ont également intensifié les entraînements sur autoroute. La Grande-Bretagne et d'autres pays prévoient aussi de mettre en place de telles manœuvres.
Les louanges de l'Allemagne pour la Suisse
Pendant la guerre froide, l'Allemagne s'est aussi essayée à des atterrissages sur autoroutes. Le dernier exercice de ce type en date a eu lieu en 1984. Du haut de ses 70 as, Ralph D. Thiele est le président de la société politico-militaire allemande. Il est également à la tête d'EuroDefense Allemagne. Il se souvient: «L'armée de l'air allemande n'a plus pratiqué d'atterrissage d'urgence sur l'autoroute depuis des décennies, mais elle connait les zones qui s'y approprient le mieux.»
Le politologue soutient le projet de pistes d'atterrissage de l'armée suisse. «Les Suisses ont raison de se préparer à toute éventualité. C'est une belle preuve de professionnalisme dans un monde qui devient de plus en plus rude.» Il sait que les aérodromes de l'adversaire font partie des cibles les plus importantes en temps de guerre. «Si ces cibles sont atteintes, alors les avions haute gamme et les pilotes ultra-formés ne servent plus à rien. Il faut donc toujours privilégier les missions offensives.»