«On ne sait pas où aller»
Dans l'Est du Liban, des milliers de déplacés par les frappes d'Israël

À Deir al-Ahmar, des milliers de Libanais déplacés par les frappes israéliennes se réfugient dans des églises et des écoles, vivant dans des conditions précaires, sans chauffage ni vêtements chauds.
Publié: 02.11.2024 à 14:04 heures
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Dernière mise à jour: 02.11.2024 à 14:58 heures
Les Libanais se réfugient dans des églises et dans écoles.
Photo: keystone-sda.ch
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AFP Agence France-Presse

Dans le village chrétien de Deir al-Ahmar, Hassan Noun a planté sa tente sous un auvent dans la cour d'une église, après avoir fui la région de Baalbeck, dans l'Est du Liban, où l'armée israélienne a intensifié ses frappes contre des fiefs du Hezbollah. «On a besoin d'un refuge, bientôt il y aura de la neige et de la pluie, où pourront s'abriter ces enfants?», lâche le quadragénaire à la barbe grisonnante, père de cinq jeunes enfants.

Déplacé de la région de Baalbeck, il fait partie des 30'000 personnes réfugiées à Deir al-Ahmar et ses environs, un de ces bourgs chrétiens de la Bekaa épargnés par les bombardements israéliens qui frappent quotidiennement les bastions du Hezbollah chiite. «On se retrouve devant les églises et devant des écoles, qui n'ont plus la capacité de nous accueillir», assure Hassan Noun à l'AFPTV, en référence aux établissements scolaires devenus centres d'hébergement.

Derrière lui, sur un banc d'église vermoulu, la famille a posé sa théière et des ustensiles de cuisine. Une natte en plastique est étalée sur le sol en pierre. Un peu partout, les fins matelas de mousse utilisés par les déplacés pour dormir ont été redressés et mis de côté, calés parfois contre la porte de l'église, juchée sur une colline à la vue imprenable sur la plaine agricole de la Bekaa.

Serviettes de bains et sweatshirts sèchent avec le linge, étendus sur un petit muret ou accrochés à des cordes qui pendent entre les colonnades de l'auvent. Dans l'habitacle d'un minibus, sur les chaises au cuir usé, les maigres possessions d'une famille s'entassent: encore plus de matelas, des bouteilles d'eau, des sacs à dos bourrés d'affaires.

Faire des études est impossible

Fatima, 17 ans, a fui son village de Chaath «à cause des bombardements». Près de Deir al-Ahmar, dans une école de Bechouat transformée en dortoir, sa famille campe sous une «tente» improvisée – plusieurs bureaux rassemblés et coiffés de couvertures pour offrir un peu d'intimité. «Il n'y a pas de chauffage, on n'a pas de vêtements qui tiennent chaud», souffle l'adolescente au visage encadré par un voile noir.

«On est en train de perdre notre année scolaire, on ne peut plus étudier à cause de la guerre», regrette-t-elle. Randa Amhaz remercie candidement l'école qui a ouvert ses portes, la municipalité, et «monsieur Joseph qui nous a accueillis». Mais elle aussi a ses doléances. «Les enfants ont besoin de vêtements chauds, et les personnes âgées de médicaments», énumère-t-elle.

Des enfants jouant dans l'enceinte d'une école qui leur sert d'abri.
Photo: keystone-sda.ch

Depuis le 23 septembre, les frappes israéliennes au Liban ont fait plus de 1900 morts, selon un décompte de l'AFP basé sur les données du ministère libanais de la Santé. Rien que vendredi, les bombardements sur plusieurs localités du gouvernorat de Baalbek-Hermel ont tué 52 personnes. Et plus de 78'000 personnes ont été déplacées de leur maison dans le district de Baalbeck, selon des statistiques de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

«On ne sait pas où aller»

Deir al-Ahmar et les villages environnants ont d'abord accueilli 12'000 déplacés, essentiellement installés «dans des maisons, les dépendances des églises, et certains encore sur les routes», souligne Rabih Saadé, qui fait partie du comité d'urgence local. Cette semaine, avec l'intensification des frappes sur Baalbeck, une «deuxième vague de déplacés» a afflué: 20'000 personnes dont «une majorité a dormi sur des places» publiques, dit-il.

Il en appelle à l'Etat «pour pouvoir continuer: on ne sait pas si la crise va se terminer dans une semaine ou deux, ou alors dans trois ou quatre mois.» Dans une cour d'école, des femmes souvent toutes de noir vêtues et des enfants profitent du soleil. Les cris des plus petits retentissent dans les couloirs. Ici aussi le linge sèche aux fenêtres des classes ou sur de vieux pupitres dans la cour.

«On a quitté nos maisons, on ne sait pas où aller, on ne sait pas que faire», raconte une femme qui a souhaité rester anonyme, assise à même le sol avec son sac à main, au chevet de sa mère, vieille dame au regard triste et au visage parcheminé. Par manque de place, elle est allongée sur un matelas en mousse, dans un passage entre deux portes.

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