Volodymyr Zelensky peut crier victoire. L’Ukraine vient de faire ce jeudi 14 décembre à Bruxelles un pas de géant vers sa future intégration dans l’Union européenne (UE) aux côtés de la Moldavie. C’est en effet acté. Le pays attaqué le 24 février 2022 par Vladimir Poutine, ainsi que la Moldavie voisine sous pression de la Russie, vont pouvoir commencer à négocier leur future adhésion.
Une négociation qui sera probablement longue et semée d’embûches pour les deux États. Mais un signal politique fort, pile le jour où le président Russe a, lors de sa conférence de presse annuelle à Moscou, promis de poursuivre la guerre pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixé. Une Ukraine de plus en plus européenne face à une Russie de plus en plus agressive: le décor est planté.
La victoire diplomatique incontestable du président Zelensky vient avec la quasi-assurance d’obtenir pour son pays 50 milliards d’euros de financement européens en 2024, même si cette décision reste à confirmer. Attention toutefois: le chemin qui s’ouvre est déjà jalonné d’obstacles. Preuve de sa réticence proclamée, le premier ministre hongrois Viktor Orbán s’est abstenu, afin de ne pas cautionner un vote de facto unanime des 27. Il s’est même absenté de la salle du Conseil européen à Bruxelles, lorsque l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie a été actée.
Nouveau sommet en mars
Plus important: le premier ministre hongrois a obtenu que le dossier de ces deux pays soit réexaminé dès le prochain sommet européen au mois de mars, afin de s’assurer que tous les «chapitres» (les principaux domaines de réformes) des négociations sont bien pris en compte par le gouvernement de Kiev. Un nouvel épisode du «show Orbán», avec promesse de blocage, est donc prévisible au printemps 2024, à quelques semaines des élections européennes du 9 juin.
Attention aussi à ne pas confondre l’ouverture de négociations d’adhésion avec l’entrée future de l’Ukraine et de la Moldavie dans l’UE. Point symbolique: le président du Conseil européen (l’instance représentative des 27) Charles Michel n’a pas réitéré la date de 2030 qu’il avait évoquée pour l’entrée des deux pays dans l’Union. Viktor Orbán est passé par là. Le Hongrois a insisté pour que le processus de négociation avec ces deux pays, soit aussi rigoureux que celui imposé aux ex-pays de l’Est, dont la Hongrie, à la fin des années 90 jusqu’à leur entrée en mai 2004.
L’avocat des Balkans
L’homme fort de Budapest s’est aussi fait l’avocat des pays des Balkans (Serbie, Bosnie-Herzégovine, Albanie, Monténégro) qui sont tous candidats. C’est la force d’Orbán dans son duel avec Zelensky: il fait du judo géopolitique. Il n’a pas pris à Bruxelles le risque d’un véto qui l’aurait isolé. Mais il a formulé plusieurs avertissements sur l’Ukraine, et il a obtenu pour son pays le déblocage partiel de fonds communautaires gelés.
La méthode Orbán a donc payé. La Hongrie repart avec dix milliards d’euros débloqués sur 32 milliards gelés jusque-là en raison des problèmes d’État de droit. Nul doute qu’il repartira à l’assaut pour obtenir le reste de cette somme promise en mars. Orbán a aussi tiré le signal d’alarme. Il a parlé de la corruption massive en Ukraine. Il a redit qu’il ne veut pas soutenir militairement le gouvernement de Kiev et qu’il ne croit pas à une victoire de l’Ukraine face à la Russie.
Le match nul
Zelensky-Orbán? Le match nul de ces deux dirigeants montre dans les faits que la cause ukrainienne est de plus en plus compliquée à défendre. L’Union européenne tient bon et reste unie. L’aide européenne va parvenir à Kiev. A l’inverse, le pragmatique et le cynique Viktor Orbán reste en embuscade. Dès lors qu’une nouvelle occasion se présentera, le Hongrois bloquera à nouveau les discussions, pour bien montrer qu’il est incontournable.