Hongrie contre Ukraine
Orban-Zelensky: qui va gagner le duel européen à Bruxelles?

Le premier ministre hongrois multiplie les avertissements avant l'ouverture du sommet européen ce jeudi 14 décembre à Bruxelles. Pas question pour son pays d'accepter l'ouverture de négociations d'adhésion avec l'Ukraine. Sauf si....
Publié: 14.12.2023 à 15:00 heures
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Dernière mise à jour: 18.12.2023 à 09:49 heures
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Viktor Orban et Emmanuel Macron se sont vus à Paris début décembre. Depuis, le premier ministre hongrois continue de s'opposer à l'ouverture de négociations d'adhésion avec l'Ukraine
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Viktor Orbán est-il, de facto, le patron d’une Union européenne (UE) affaiblie et divisée? Le très nationaliste premier ministre hongrois se comporte en tout cas comme tel. Depuis plusieurs semaines, son unique objectif est d’arrêter le train qui doit amener les 27 pays membres de l’UE à ouvrir, lors du sommet de Bruxelles ces 14 et 15 décembre, des négociations d’adhésion avec l’Ukraine.

Orban a prévenu: il s’y opposera s’il n’obtient pas gain de cause. Or l’unanimité est requise pour avancer sur ce dossier qui prendra de toute façon des années avant d’aboutir à une éventuelle entrée de l'Ukraine dans l'Union. Le duel avec Volodymyr Zelensky est engagé. Voici les cinq passes d’armes qui décideront de son issue.

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Orban affirme défendre les Européens

Il ne faut pas négliger cet aspect de la rhétorique du premier ministre hongrois. Pour ce dirigeant nationaliste qui revendique sa proximité avec Vladimir Poutine (qu’il a rencontré à Pékin en octobre) et Donald Trump (dont il soutient la réélection à la présidence des États-Unis), l’Ukraine est un danger pour l’Union européenne. Danger stratégique, car sa possible intégration coupera le continent de la Russie et de ses ressources énergétiques indispensables (85% du gaz consommé en Hongrie est d’origine russe).

Danger économique, car les 44 millions d’Ukrainiens sont une source potentielle de main-d’œuvre bon marché, une fois la guerre terminée. Danger agricole, car les plaines céréalières ukrainiennes inonderont le marché de blé et d’autres récoltes bon marché, écrasant la concurrence. Ces arguments sont utilisés par Orban à des fins nationales. Mais il faut l’avouer: ces dangers existent.

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Orban ne voit pas l’Ukraine gagner la guerre

Là aussi, le premier ministre hongrois marque des points. Il dit haut et fort ce que pensent de plus en plus de dirigeants: le «momentum» militaire est passé pour Kiev. L’armée russe, en déployant 677 000 hommes sur le front – chiffre donné par Vladimir Poutine lors de sa conférence de presse du 14 décembre à Moscou – a consolidé des défenses inexpugnables. Il n’est donc plus possible pour Kiev de gagner la guerre, d’autant que l’industrie de défense européenne n’est toujours pas capable de l’approvisionner en obus et en équipements comme il le faudrait pour effectuer des percées décisives.

Viktor Orbán a dit cela à Volodymyr Zelensky, lors de leur rencontre à Buenos Aires, en marge de l’investiture du nouveau président argentin Javier Milei. Rappelons qu’un autre pays a, comme la Hongrie, déjà annoncé sa cessation de toute aide militaire à l’Ukraine: la Slovaquie du nationaliste Robert Fico. Orban s'oppose aussi aux financements militaires de l'Union, via la «Facilité européenne pour la paix». Il ne peut pas bloquer, en revanche, les aides de chaque pays membre.

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Orban surfe sur la poussée de l’extrême-droite

Viktor Orbán organise, chaque année, le CPAC, un rassemblement des droites radicales européennes à Budapest. La dernière réunion s’est tenue en septembre, en présence de l’Italienne Giorgia Meloni et du français Jordan Bardella. Le premier ministre hongrois s’est ensuite réjoui de la victoire, fin novembre, du leader du «parti de la liberté» Geert Wilders aux législatives néerlandaises (même si un gouvernement n’est toujours pas formé à La Haye).

Or si tous ces partis ne sont pas d’accord sur l’aide militaire à l’Ukraine (l’Italie arme Kiev), aucun n’est partant pour ouvrir avec l’Ukraine des négociations d’adhésion empoisonnées, car impopulaires. Point faible pour Orban en revanche: le retour au Conseil européen, ce jeudi, de son ancien président, le Polonais Donald Tusk, redevenu premier ministre. Tusk a battu la droite réactionnaire au pouvoir à Varsovie depuis huit ans, et il est un chaud partisan de l’Ukraine.

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Orban parle d’argent sans honte

«Volodymyr Zelensky et Viktor Orbán ont quelque chose en commun: tous deux réclament de l’argent à Bruxelles». Cette boutade d’un diplomate français est révélatrice. Zelensky a besoin d’aide pour que son pays tienne debout. Il a obtenu depuis le 24 février 2022 84,7 milliards d’euros des Européens au total, de la part de l’UE et des États membres. 50 milliards d'euros sur quatre ans sont maintenant dans le tuyau, déjà approuvés par le parlement européen.

Orban, lui, veut obtenir coûte que coûte le déblocage d'une autre enveloppe: les 32 milliards d’euros de fonds communautaires gelés en raison des atteintes à l’État de droit en Hongrie. Il parle d’argent sans honte, et c’est ce qu’une partie de sa population attend de lui. Qu’importe si cela est du chantage. Ça marche: dix milliards d’euros viennent d’être débloqués par Bruxelles avant le sommet européen. Son racket fonctionne.

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Orban incarne le «chacun pour soi»

C’est triste à dire pour tous ceux qui défendent encore une Europe fédéraliste, où la souveraineté serait de plus en plus partagée. C’est en revanche une victoire pour tous les réalistes qui prédisent depuis longtemps un ras-le-bol populaire devant le transfert croissant de compétences nationales à Bruxelles. Orban incarne le «chacun pour soi» et une vision de l’UE avant tout économique. Non à l’Europe qui gère les migrants. Non à l’Europe de la défense.

Non à une Europe qui s’élargit généreusement, comme elle l’a fait en 2004 pour accueillir 10 nouveaux pays, dont la Hongrie. Pour Orban, l’Europe de 2023 doit être à la carte, et l’Ukraine est une variable d’ajustement. C’est l’intérêt national qui prime. Or celui de la Hongrie est clair: ce pays de dix millions d’habitants doit, selon son premier ministre, protéger sa minorité hongroise en Ukraine, ne pas fâcher Moscou, et profiter de la protection de l’OTAN et du marché unique. L'Europe de Viktor Orban est tout, sauf géopolitique.

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