Offensive des rebelles en Syrie
Assiste-t-on à la chute de Bachar al-Assad?

En Syrie, une alliance de rebelles djihadistes fête ses succès fulgurants. Vendredi, ils se sont rapprochés à grands pas de leur objectif: renverser le gouvernement de Bachar al-Assad. Eclairage.
Publié: 07.12.2024 à 06:00 heures
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A Hama, un combattant rebelle marche sur un portrait déchiré du président syrien Bachar al-Assad, le lendemain de la prise de la ville par les rebelles dans l'ouest du pays (6 décembre 2024).
Photo: AFP
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Daniel Jung

La guerre civile en Syrie a commencé en 2011, avec des manifestations contre le gouvernement de Bachar al-Assad. Aujourd'hui, le conflit qui a fait jusqu'à présent plus de 300'000 morts s'est à nouveau enflammé et l'étau se resserre autour du dictateur.

Que s'est-il passé?

Dans le nord-ouest de la Syrie, une alliance de rebelles djihadistes s'est emparée à la fin de la semaine dernière d'Alep, la deuxième ville de Syrie. L'une des villas de Bachar al-Assad a également été prise d'assaut. Jeudi, les combattants sont parvenus à entrer dans Hama, la cinquième ville du pays, où ils se sont livrés à des combats de rue avec l'armée syrienne, avant qu'elle ne finisse par se retirer. 

L'alliance rebelle veut désormais s'emparer de Homs, troisième ville du pays. Certains habitants du nord de la ville ont accueilli avec joie les rebelles, a rapporté vendredi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Dans le même temps, des milliers de personnes ont fui. Selon les rapports, l'armée syrienne s'est retirée de Homs, sans même combattre.

Un garçon brandit deux drapeaux de l'opposition syrienne à Hama (6 décembre 2024).
Photo: AFP

Vendredi, 15 villes de la région méridionale de Daraa, dans le sud du pays, ont hissé le drapeau vert, blanc et noir de la révolution. Dans la capitale, Damas, des explosions ont eu lieu, comme l'ont montré diverses vidéos diffusées sur les réseaux sociaux.

Quelle est la gravité de la situation pour Bachar al-Assad?

Les rebelles n'ont qu'un seul objectif: la chute du dirigeant syrien Bachar al-Assad. «Ce régime est mort», a averti le leader de l'alliance rebelle Abou Mohammed al-Joulani à CNN. Face à l'offensive étonnamment rapide des rebelles en Syrie, Israël se préparerait, selon les médias, à un possible effondrement de l'armée syrienne.

Abou Mohammed al-Joulani est le chef du groupe islamiste Haiat Tahrir al-Cham (HTS), qui domine l'alliance rebelle (photo de juillet 2016).
Photo: IMAGO/ABACAPRESS

Seulement 140 kilomètres séparent Homs de la capitale syrienne, Damas. Après plus de 13 ans de guerre, le régime de Bachar al-Assad est affaibli économiquement et militairement, comme l'a expliqué l'expert en conflits Malik al-Abdeh au «Welt». «Cela affecte le moral des soldats de l'armée syrienne, qui est au plus bas. Beaucoup se rendent.»

Le dirigeant syrien ne peut pas véritablement compter sur ses alliés: l'Iran et le Hezbollah sont affaiblis, tandis que la Russie a retiré de nombreuses forces du pays pour les déployer en Ukraine.

Quelle est la dangerosité des rebelles?

L'alliance rebelle dans le nord-ouest est dirigée par le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS), successeur du Front al-Nosra islamiste radical, une ancienne organisation sœur d'Al-Qaïda.

Ces dernières années, l'organisation HTS a pris une fonction de type étatique dans la province d'Idlib, au nord de la Syrie. Le chef Abou Mohammed al-Joulani l'a transformée en une force de combat disciplinée, qui combine islamisme et nationalisme. Le HTS a été classé comme organisation terroriste par les Etats-Unis.

Quel est le rôle de la Turquie?

L'organisation Hayat Tahrir al-Cham est fortement financée par la Turquie. Des fonctionnaires turcs ont déclaré que le gouvernement n'avait joué aucun rôle dans la dernière offensive en Syrie. Mais il est clair qu'Ankara profite de l'avancée des rebelles, et qu'elle était bien informée de l'opération.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan profite de l'offensive des rebelles en Syrie.
Photo: Anadolu via Getty Images

D'une part, la Turquie souhaite désamorcer son problème de réfugiés syriens, d'autre part, le président Recep Tayyip Erdogan veut augmenter la pression sur les milices kurdes dans le nord-est de la Syrie. Raisons pour lesquelles Ankara tente de geler le conflit en trouvant un accord avec Bachar al-Assad. Le président turc a appelé par téléphone le gouvernement syrien mardi, et s'est également entretenu avec Vladimir Poutine. 

Que prévoit la Russie?

La Syrie représente un enjeu clé pour Moscou, car elle lui permet d'assoir son statut de grande puissance. Les troupes de Poutine déployées en Syrie sont considérées comme le mur protecteur de Bachar al-Assad. Avec son intervention dans le pays à partir de 2015, la Russie a pu prouver qu'elle était une grande puissance militaire. Ces derniers jours, les avions russes ont bombardé Idlib et Alep.

L'étau se resserre: le dirigeant syrien Bachar al-Assad (à gauche) a besoin du soutien du président russe Vladimir Poutine.
Photo: IMAGO/ITAR-TASS/ Sipa USA

Toutefois, l'offensive des rebelles n'arrive pas à un moment opportun pour Poutine, plongé dans sa guerre avec l'Ukraine. Selon l'expert en conflits Malik al-Abdeh, la Russie souhaite que Bachar al-Assad prenne davantage en compte les intérêts stratégiques de la Turquie. Chose que le dirigeant syrien a néanmoins refusé. 

Un refus qui ne sera sans doute pas sans conséquences: l'expert s'attend à ce que la Russie n'intervienne à nouveau de façon décisive que lorsqu'elle sera récompensée, par exemple avec un soutien financier des pays arabes.

Et l'Occident dans tout ça?

L'influence de l'OTAN et des Etats-Unis est faible dans le contexte syrien. Certes, les Etats-Unis disposent d'une troupe d'environ 900 soldats dans le sud de la Syrie pour se défendre contre les combattants de l'Etat islamique. Ils ont également soutenu les Kurdes dans le nord-est du pays, ce qui irrite fortement la Turquie. En 2018, la première administration Trump avait également mené des frappes aériennes contre des infrastructures militaires syriennes.

Mais ce soutien semble faiblir. Jeudi passé, Vedant Patel, porte-parole du département d'État américain, a déclaré qu'il était désormais temps de revenir à un processus politique, chapeauté par l'ONU. 

Peut-on s'attendre à un exode massif?

Selon les données de l'ONU, environ 150'000 personnes ont déjà fui la Syrie à cause des combats. Selon le représentant de l'ONU pour la Syrie, Gonzalo Vargas Llosa, ce nombre augmente rapidement.

Pas de fuite, mais un retour: des personnes déplacées retournent dans la ville de Hama (6 décembre 2024).
Photo: keystone-sda.ch

Ces exils pourraient aussi avoir des répercussions sur l'Europe. «De très nombreuses personnes vont quitter le pays», affirme le journaliste syrien Mustafa al-Ali à Blick. A Alep, ce sont surtout les minorités chrétiennes et les Kurdes qui craignent pour leur vie, ajoute le journaliste.

Cela peut surprendre, mais le phénomène contraire se produit aussi: des réfugiés syriens reviennent de Turquie pour rejoindre Alep et Hama. L'Etat membre de l'OTAN avait accueilli ces dernières années plus de trois millions de réfugiés syriens.

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