Que se passe-t-il au Nouveau-Brunswick? Depuis 2018, dans cette province canadienne, de nombreuses personnes sont régulièrement atteintes d’une maladie inconnue. Les malades montrent soudainement des signes de démence, perdent du poids et développent des troubles de la parole.
La situation est sérieuse. Neuf patients sont déjà décédés et les médecins sont désemparés. Ils diagnostiquent des symptômes similaires à ceux de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, mais les tests de dépistage de la maladie se révèlent tous négatifs.
Peur et colère règnent dans la province. Certains habitants soupçonnent le gouvernement de vouloir délibérément minimiser l’épidémie et de saboter les enquêtes. Afin de pouvoir étudier la maladie, un «cluster» – une concentration spatiale et temporelle de cas de cette maladie inhabituelle – a été mis en place dès le printemps 2021 sous le nom de «Cluster du Nouveau-Brunswick de syndromes neurologiques de cause inconnue». Sur le site web du gouvernement, 48 patients sont répertoriés depuis le printemps 2018.
Le gouvernement ne croit pas à des facteurs environnementaux
Entre-temps, les rapports se sont multipliés. Selon ces derniers, au moins 150 patients, ainsi que de nombreux cas encore en cours d’examen, auraient montré des symptômes similaires. Parmi eux, beaucoup de jeunes, comme le raconte au «Guardian» le lanceur d’alerte d’une autorité sanitaire du Nouveau-Brunswick. Il pense que des expositions environnementales, c’est-à-dire des modifications de l’environnement, pourraient être à l’origine de la maladie. Cette hypothèse expliquerait pourquoi cette région rurale serait particulièrement touchée.
Or, le gouvernement affirme que cette théorie est improbable. Lors d’une enquête auprès des malades, aucun facteur environnemental connu n’a pu être identifié comme déclencheur potentiel selon une étude gouvernementale sur la maladie, rapporte ce jeudi la «NZZ».
Dans ce même rapport, douze patients ont toutefois indiqué qu’un ou plusieurs membres de leur famille souffraient de symptômes similaires aux leurs. Puisque la maladie ne semble pas présenter de risque de contagion, cet élément pourrait également orienter les recherches vers des facteurs environnementaux. Or, le gouvernement refuse de s’y intéresser, les observations n’ayant été ni documentées cliniquement ni vérifiées en laboratoire, d’après le rapport.
Des examens refusés
Même sur les cas officiellement reconnus, aucune analyse de sang ou de tissus n’a apparemment été effectuée jusqu’à présent, écrit encore la «NZZ». Les proches des patients demandent que l’on effectue des examens pour écarter les toxines environnementales des causes probables. Toutefois, le gouvernement du Nouveau-Brunswick aurait explicitement ordonné aux équipes en place de ne pas effectuer ces tests.
Entre-temps, les corps ont tout de même été examinés par un neuropathologiste de l’université d’Ottawa. Qui l’a mandaté? La question reste entière; mais ce n’est pas le gouvernement. Malgré tout, le neuropathologiste a présenté en octobre 2021 les résultats de l’autopsie de huit patients et est arrivé à la conclusion que tous étaient morts de maladies connues. De la maladie d’Alzheimer, du cancer, de démence ou de maladies vasculaires. Selon lui, il s’agissait pour ces huit patients d’un «groupe de diagnostics cliniques mal classés».
Un nouveau groupe d’experts doit apporter des éclaircissements
Y a-t-il donc une nouvelle maladie mystérieuse au Canada? Sur les 48 patients connus, 46 ont été diagnostiqués par le même médecin, Alier Marrero. Ce dernier rejette toutefois les accusations de mauvais diagnostic.
Jusqu’au printemps 2021, il faisait partie des experts avec lesquels le gouvernement s’entretenait régulièrement. Or, au début du mois de juin, il a été remplacé… en même temps que l’ensemble du panel, comme les médias canadiens l’ont appris entre-temps. Aucune explication n’a été donnée et aucun des nouveaux experts n’aurait d’expérience en matière d’épidémies neuropathologiques. De plus, ils ont uniquement été chargés de déterminer si une nouvelle maladie faisait effectivement rage. Les enquêtes sur la cause de cette maladie ont été interrompues.
Alier Marrero a pris la parole publiquement à de nombreuses reprises depuis. Il affirme que le gouvernement local lui a interdit, ainsi qu’à ses collègues, d’ajouter les cas les plus récents au décompte, tout comme de tenir de nouvelles statistiques ou de parler de nouveaux décès.
Dans quelques semaines, le comité d’experts du gouvernement publiera son rapport. Il répondra à la question de savoir si une dangereuse maladie inconnue sévit réellement au Nouveau-Brunswick ou si toute cette histoire n’est qu’une malheureuse coïncidence.
(Adaptation par Lauriane Pipoz)