Alors que malgré ses frappes massives cette semaine dans tout le pays, la Russie reste en difficulté sur le terrain face aux contre-offensives ukrainiennes, l’Union européenne a lancé une nouvelle mise en garde à Vladimir Poutine. «Toute attaque nucléaire contre l’Ukraine entraînera une réponse, pas une réponse nucléaire, mais une réponse militaire si puissante que l’armée russe sera anéantie», a déclaré jeudi à Bruges le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Dans l’immédiat, c’est d’évacuations de population qu’il est question à Moscou. «A la suite de l’appel du chef de la région de Kherson […] le gouvernement a décidé d’organiser une aide pour le départ des habitants de la région vers d’autres régions» de la Fédération de Russie, a déclaré le vice-Premier ministre Marat Khousnoulline à la télévision. «Nous fournirons à chacun un logement gratuit et tout le nécessaire», a poursuivi le ministre, sans donner d’indications sur le nombre de personnes concernées. Les autorités d’occupation russes de la région de Kherson dans le sud de l’Ukraine avaient demandé auparavant à Moscou d’organiser l’évacuation des civils de ce territoire annexé fin septembre avec trois autres territoires ukrainiens. Les habitants seront emmenés dans la péninsule de Crimée, annexée en 2014 par Moscou, et dans les régions de Rostov, Krasnodar et Stavropol, dans le sud de la Russie.
Cette annonce intervient alors que l’armée ukrainienne a dit jeudi avoir reconquis cinq localités dans la région, après avoir déjà revendiqué mercredi la prise de cinq autres communes. Depuis plusieurs semaines, l’armée ukrainienne mène une contre-offensive dans ce territoire occupé depuis l’offensive russe, mais où elle a affirmé la semaine passée avoir repris plus de 400 km2 en sept jours.
Les autorités ukrainiennes n’avaient pas encore réagi aux annonces d’évacuation en début de soirée. Kiev a accusé par le passé la Russie d’avoir emmené sur son territoire sous couvert d’évacuation des milliers d’habitants des territoires occupés.
L’OTAN «ne bluffe pas» non plus
Sur le front diplomatique, les présidents russe et turc se sont retrouvés jeudi au Kazakhstan en marge d’un sommet régional à Astana, mais n’ont pas évoqué publiquement la proposition de médiation turque évoquée précédemment par le Kremlin. Vladimir Poutine a proposé la création d’un «hub gazier» en Turquie pour exporter les hydrocarbures russes. «Il n’y a pour nous aucun sens à créer de nouvelles infrastructures qui permettraient d’importer davantage de gaz russe», a réagi la présidence française.
L’Ukraine continue pour sa part d’engranger les promesses de livraisons de systèmes antiaériens pour neutraliser la menace des missiles russes. Après l’annonce de l’arrivée d’un système allemand et de la livraison prochaine de modèles américains, le Royaume-Uni a annoncé qu’il fournirait des munitions capables d’abattre des missiles de croisière. L’Espagne va fournir quatre systèmes sol-air de moyenne portée «Hawk», selon l’OTAN. «Nous espérons plus de la France et de l’Italie dans ce domaine de la défense aérienne», a déclaré jeudi le président ukrainien Volodymyr Zelensky, s’adressant en visioconférence à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE).
Il a souligné lors de son adresse quotidienne dans la soirée que la Russie envoyait en ce moment «des milliers de ses mobilisés sur le front». «L’utilisation par les généraux russes de ces gens comme de la chair à canon leur permet de renforcer la pression sur nos défenseurs. C’est une pression tangible».
Les forces russes aux portes de Bakhmout
La situation sur le terrain «est compliquée, mais sous contrôle», a déclaré de son côté le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Valery Zaloujny. «La supériorité de l’artillerie ennemie illustre la nécessité d’augmenter la puissance de feu des forces armées ukrainiennes», a-t-il fait valoir. «La question des défenses antiaériennes intégrées est également essentielle». Les forces russes, en recul sur plusieurs fronts, sont à l’offensive sur celui de Bakhmout, ville de l’Est qui comptait avant la guerre 70'000 habitants et aujourd’hui largement désertée et ravagée par les tirs d’artillerie.
Plus au nord, à Iampil, près du nœud ferroviaire stratégique de Lyman récemment reconquis par l’Ukraine, les journalistes de l’AFP ont entendu jeudi des tirs nourris d’artillerie. Selon un soldat revenant du front, le village de Torske y essuyait des bombardements russes. A Belgorod en Russie, un missile ukrainien a frappé, sans faire de victimes, un immeuble d’habitation, ont rapporté les autorités locales.
Dans la soirée, une frappe ukrainienne a fait exploser un dépôt de munitions dans la région de cette grande ville située dans une région frontalière de l’Ukraine, selon le gouverneur de la région. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a annoncé s’être entretenu avec le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) Rafael Grossi, de retour en Ukraine jeudi, dans un abri anti-aérien à Kiev. «J’ai réaffirmé que la Russie doit quitter la centrale nucléaire de Zaporijjia afin de la sécuriser et de cesser d’enlever et d’intimider son personnel ukrainien», a déclaré Dmytro Kouleba. Rafael Grossi entend négocier une formule à même de sécuriser cette centrale nucléaire, occupée et annexée par les Russes et visée régulièrement par des tirs.
(AFP)