Moscou veut garder ses bases militaires
Le Kremlin livrera-t-il Bachar al-Assad aux nouveaux dirigeants syriens?

Moscou critique son célèbre fugitif Assad pour son «incompétence». Il est probable que le Kremlin veuille ainsi apaiser les nouvelles autorités syriennes afin de pouvoir conserver ses bases en Syrie.
Publié: 01.01.2025 à 19:53 heures
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Le président russe Vladimir Poutine a soutenu Bachar al-Assad.
Photo: Keystone
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Guido Felder

Le président russe Vladimir Poutine semble être gêné par son célèbre réfugié. Après le renversement du président syrien Bachar al-Assad le 8 décembre et son refuge à Moscou, le Kremlin prend désormais ses distances avec lui.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov a vivement critiqué le règne d'Assad en Syrie auprès de l'agence de presse publique Tass. Il l'accuse d'«incompétence». «Nous pouvons d'ores et déjà dire que l'une des raisons de la détérioration de la situation était l'incapacité du gouvernement de l'époque à satisfaire les besoins fondamentaux de la population dans une guerre civile qui s'éternise», a déclaré Sergei Lavrov.

Cette déclaration est surprenante étant donné que Poutine et Assad ont travaillé en étroite collaboration et étaient amis. La Russie exploite en Syrie la base navale de Tartous et la base aérienne de Hmeimim, près de Lattaquié. Poutine a ainsi un accès direct à la Méditerranée et peut approvisionner ses troupes actives en Afrique.

Ce serait un «signal précaire»

En critiquant Bachar al-Assad, le Kremlin devrait tenter d'amadouer les nouveaux dirigeants autour du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS). Car les Russes font tout pour pouvoir conserver leurs deux bases en Syrie.

La question est de savoir jusqu'où le Kremlin fera des concessions au HTS. La Russie va-t-elle même livrer Assad au couteau des nouveaux dirigeants? Pour Ulrich Schmid, expert de la Russie à l'université de Saint-Gall, une chose est sûre: «Poutine méprise désormais Assad parce que celui-ci a perdu le pouvoir.»

Ulrich Schmid considère toutefois une extradition comme «très improbable». «Cela enverrait un signal précaire à d'autres autocrates qui comptent sur le soutien du Kremlin. Poutine permettra à Assad de s'exiler tranquillement à Moscou.»

Mandat d'arrêt contre Assad

Bachar al-Assad a dû sa survie politique au Kremlin, pendant près de dix ans. Sans l'intervention de l'armée russe dans la guerre civile, l'ancien dictateur aurait été renversé dès 2015. «Depuis, Assad était un dictateur à la merci de Poutine, comme c'est le cas de Loukachenko depuis 2020», analyse Ulrich Schmid. Alexandre Loukachenko est au pouvoir en Biélorussie et dépend fortement de Poutine.

L'universitaire compare Assad, après sa chute, à Viktor Ianoukovitch, le président ukrainien destitué en 2014. Celui-ci avait alors fui en Russie où il est depuis «toléré en silence».

Le clan Assad possède plusieurs appartements de luxe dans le quartier des gratte-ciel de Moscou City, à l'ouest de la capitale russe. La France a lancé un mandat d'arrêt contre Assad pour sa responsabilité dans une attaque au gaz. La HTS a également annoncé vouloir agir contre l'ex-dirigeant. Les nouveaux dirigeants syriens n'ont pour l'instant pas précisé comment ils comptaient s'y prendre ni quelle pourrait être la peine encourue.

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