Des biens immobiliers à Moscou
Bachar al-Assad, de dictateur à «réfugié de luxe» en Russie

L'ex-dictateur syrien, sa femme et ses trois enfants disposent d'une fortune de plusieurs milliards de dollars. Ils ont commencé une nouvelle vie à Moscou, qui leur a accordé l'asile. La famille y possède des appartements d'une valeur estimée à 40 millions de dollars.
Publié: 11.12.2024 à 05:44 heures
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Dernière mise à jour: 11.12.2024 à 08:05 heures
Un combattant rebelle arrache un portrait de l'ancien président Bachar al-Assad à Alep.
Photo: AFP
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Daniel Jung

L'ex-dictateur syrien Bachar al-Assad, sa femme Asma Akhras Assad et leurs trois enfants adultes (Hafis, Zein et Karim – 24, 22 et 21 ans) ont quitté la Syrie pour commencer une nouvelle vie en Russie. 

Poutine leur a accordé l'asile politique. C'est ce qu'a annoncé l'agence de presse russe Tass dimanche. Une information confirmée mardi soir par le ministre adjoint des Affaires étrangères russe dans une interview à NBC. «Le président Assad est en Russie», a déclaré Sergueï Ryabkov, précisant que le dirigeant déchu était «en sécurité». La famille s'est vu accorder l'asile «pour des considérations humanitaires», comme l'a déclaré une source du Kremlin. 

Une vie de luxe attend le clan Assad dans l'intimité de Moscou. Mais à quel point l'ombre de leur passé sanglant pèsera-t-elle sur la famille? 

Des biens de luxe à Moscou

Le Département d'Etat américain estime la fortune des Assad entre 1 et 2 milliards de dollars. L'argent serait dissimulé sur de nombreux comptes, sociétés-écrans, paradis fiscaux offshore et portefeuilles immobiliers. Leur fortune serait souvent détenue sous de faux noms ou par d'autres personnes, afin de dissimuler les preuves et de contourner les sanctions.

Par ailleurs, la famille Assad possède plusieurs appartements de luxe dans le quartier des affaires de l'ouest de Moscou, qui regorge de gratte-ciel. Selon un rapport de l'organisation anti-corruption Global Witness, le clan Assad a acheté entre 2013 et 2019 au moins 19 appartements dans le luxueux complexe de tours moscovites Gorod Stoliz (Ville des capitales, en français). La valeur de ces biens immobiliers est estimée à environ 40 millions de dollars. Ces gratte-ciel abritent certains des hommes d'affaires les plus riches de Russie, des ministères, des hôtels cinq étoiles et des multinationales.

L'un de ces appartements pourrait donc devenir la nouvelle maison de la famille de Bachar al-Assad. On ne sait toutefois pas encore si la famille vivra dans une propriété privée ou dans un logement sécurisé par l'Etat, indique le «Daily Mail».

Dans tous les cas, compte tenu de leurs conditions de vie antérieures et de leur immense richesse, les Assad s'attendent probablement à un certain luxe. La correspondance privée de l'épouse du dictateur déchu, publiée en 2012 par Wikileaks, en est la preuve vivante: elle a dépensé 350'000 dollars pour l'aménagement du palais et 7000 dollars pour des chaussures ornées de cristaux. Rien que ça. 

La famille de Bachar al-Assad entretient des relations personnelles étroites avec Moscou. Le fils aîné, Hafis, est doctorant à l'Université d'Etat de Moscou. Selon le «Daily Mail», la soutenance de sa thèse de doctorat aurait eu lieu pendant l'offensive des rebelles en Syrie. 

Des fonds d'Assad bloqués en Suisse

Ce n'est pas Bachar al-Assad lui-même qui a acheté ces appartements de luxe, mais plusieurs membres de sa famille, dont Rami Makhlouf, son cousin et célèbre homme d'affaires.

Makhlouf et d'autres membres de sa famille faisaient partie des 128 personnes originaires de Syrie auxquelles le Conseil fédéral a interdit de fouler le sol suisse en mai 2011, et dont les avoirs ont été gelés dans le pays. Une ordonnance refusée par Makhlouf, qui a déposé un recours auprès du Tribunal administratif fédéral. En vain, le tribunal ayant jugé en 2015 que ses comptes devaient rester bloqués.

A partir de 2011, la Suisse a bloqué environ 100 millions de francs d'«argent de potentats» provenant de l'entourage d'Assad.

Mandat d'arrêt français contre Assad

Il n'existe pas encore de mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) contre Bachar al-Assad. La Syrie, comme la Russie, ne sont pas signataires du traité de Rome et ne reconnaissent pas la compétence de la CPI. Cependant, un mandat d'arrêt contre Bachar al-Assad existe en France depuis 2023. La Cour suprême d'appel française l'avait délivré pour «complicité de crimes contre l'humanité» et «crimes de guerre». Cela concerne notamment la tristement célèbre attaque meurtrière au gaz toxique sarin en 2013 dans la Ghouta, en Syrie.

D'autres inculpations pourraient toutefois suivre: lundi, le haut-commissaire de l'ONU Volker Türk a demandé que justice soit faite pour toutes les victimes de violations des droits humains pendant la guerre civile syrienne. Même s'il est maintenant bien installé dans la capitale de son allié russe, Bachar al-Assad risque de devoir rendre des comptes.

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