Les oligarques russes ont souvent quelques points en commun. Ils sont très riches (et c’est un euphémisme), fuient la publicité et la transparence, et ont tous le même problème: le président russe Vladimir Poutine. Car depuis l’attaque contre le pays voisin souverain qu’est l’Ukraine, il y a un peu plus d’une semaine, leur proximité avec le maître du Kremlin est devenue bien embarrassante, même pour ceux qui ne figurent pas encore sur une liste de sanctions.
C’est le cas de Roman Abramovitch, qui veut se débarrasser du club de football de Chelsea dans une vente urgente. Un groupe d’acheteurs potentiels serait en train de se former autour du milliardaire suisse Hansjörg Wyss pour reprendre le club londonien. Même les richissimes russes qui ne figurent pas encore sur une liste de sanctions doivent transformer leurs biens en argent liquide le plus rapidement possible, avant qu’ils ne leur soient confisqués. À Londres, on imagine par exemple confisquer les maisons du propriétaire de Chelsea. Des listes de propriétés oligarchiques seraient également en cours d’élaboration sur le lac de Côme en Italie et sur la Côte d'Azur en France.
Yacht confisqué
Roman Abramovitch semble cependant avoir encore une marge de manoeuvre. Ce n’est pas le cas d’un autre oligarque, qui aurait une relation particulièrement étroite avec le président russe. Alisher Usmanov, 68 ans, a atterri lundi sur la liste des sanctions de l’UE. Mercredi, les travaux d’entretien de son yacht de luxe Dilbar ont été suspendus au port de Hambourg. Les autorités allemandes veulent confisquer le navire, dont le coût atteint 550 millions de francs.
Alisher Usmanov contrôle le géant de l’acier Metalloinvest et diffuse une propagande pro-Poutine via le quotidien «Kommersant». Il soutient activement une «politique du gouvernement russe qui déstabilise l’Ukraine», selon les reproches de l’UE. Le géant de l’acier a vécu quelques années à Lausanne à partir de 2016. Le magazine «Bilanz» estimait alors sa fortune entre 12 et 13 milliards de francs.
Des sanctions bienvenues
Le président Poutine aurait donné l’ordre de rapatrier les fonds des oligarques en Russie, écrit le portail financier Inside Paradeplatz. Liquidation et rapatriement sont apparemment les mots d'ordre aujourd'hui. Cela ne vaut d’ailleurs pas seulement pour les fortunes des oligarques super riches, mais pour tous les Russes en Suisse.
Des observateurs ayant une connaissance approfondie de la scène financière russe en Suisse font remarquer que certains Russes sont tout à fait d’accord avec les sanctions afin de contourner cette exigence venue du Kremlin. En effet, qui voudrait changer ses devises fortes en roubles faibles et mettre son argent à l’abri à Moscou? D’autre part, selon eux, Poutine devrait même se réjouir de l’affaiblissement des oligarques par les sanctions, car cela lui donnerait encore plus de pouvoir.
Il se murmure même que l’influence des milliardaires, si puissants, a diminué auprès du pouvoir russe.
La Suisse, plaque tournante de la finance
La situation pourrait également être difficile pour les filiales suisses de la Sberbank et de Gazprombank. L’Association suisse des banquiers veut exclure Gazprombank, comme l’a rapporté l’émission «Rundschau» de la SRF. Une décision sur le maintien des deux établissements financiers russes au sein de l’association de lobbying devrait être prise lors d’une réunion du conseil d’administration. Une chose est sûre: si des fonds sont effectivement transférés en Russie, les deux filiales suisses joueront un rôle important dans le processus.
Car chacun des oligarques milliardaires a probablement un lien, au moins financier, avec la Suisse. Il y a quelques jours, la «NZZ» estimait les avoirs russes sur la place financière entre 50 et 150 milliards de francs, ce qui reste une estimation prudente.
Même si personne n’en parle ouvertement, il y a de l’agitation et de la nervosité sur la place financière. Pendant le week-end, certaines banques ont encore accepté de nouveaux fonds de clients russes alors que d'autres se montraient plus réticentes.
Les oligarques annoncent leur résistance
Les sanctions touchent les oligarques de diverses manières: Alexeï Mordachov ne peut plus faire passer son acier par le Tessin. Il a, en outre, dû démissionner du conseil d’administration du groupe de voyage TUI.
Guennadi Timtchenko figure également sur la liste des sanctions. Cet ami proche de Poutine vit à Cologny (GE) et a fait fortune dans le pétrole. Il a vendu sa participation dans la société de négoce de pétrole Gunvor en 2014. À l'époque, la Russie occupait la péninsule de Crimée.
Certains oligarques, comme le magnat de l’acier Alexeï Mordachov, veulent désormais se défendre par tous les moyens légaux contre les sanctions et les confiscations.
(Adaptation par Thibault Gilgen)