L'Ukraine est désormais dos au mur
Voici comment les Russes ont tiré les leçons de leurs erreurs

Au début, les Russes enchaînaient les échecs en Ukraine. Entre-temps, ils ont adapté leur stratégie. Au point qu'ils progressent désormais. Blick a identifié les principales erreurs commises par l'armée russe et les principales leçons qu'elle en tire aujourd'hui.
Publié: 23.02.2024 à 19:44 heures
Les Russes progressent sur plusieurs fronts en Ukraine.
Photo: DUKAS
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Guido Felder

Durant les deux premières années du conflit, les Ukrainiens ont étonnamment bien maîtrisé les envahisseurs russes. Ils ont profité des nombreuses erreurs d'une armée totalement surestimée. Mais depuis, les revers massifs comme celui qui a fait 65 morts mardi à Donetsk sont devenus des cas isolés du côté russe.

Moscou a tiré les leçons de ses nombreux échecs! Blick montre quelles stratégies erronées les Russes avaient adoptées et quelles leçons ils ont pu en tirer pour renverser la vapeur dans leur guerre d'agression contre l'Ukraine.

Les erreurs du passé

Une Ukraine sous-estimée – C'est la plus grande erreur que les Russes aient commise. Au cours des années qui ont suivi l'annexion de la Crimée en 2014, les Ukrainiens se sont massivement armés et ont formé du personnel. Ils ont en outre été préparés par l'OTAN à une éventuelle invasion.

Des informations enjolivées – Les informations du front au Kremlin circulaient mal. Après l'invasion, les services secrets ont vanté les soi-disant progrès réalisés sur le terrain, ce qui a conduit à des ordres erronés au plus haut niveau.

Attaques chaotiques – Pensant être les plus forts, des colonnes de chars non protégés se sont jetées à bras ouverts dans des embuscades ukrainiennes. Les russes ont brillé par leur manque de coordination. Les deux premiers mois, ils n'avaient même pas de commandement suprême unifié.

Des débutants envoyés au casse-pipe – Le Kremlin a envoyé au front de nombreux débutants, dont certains n'avaient aucune formation militaire. Des erreurs de manipulation ont entraîné la mort de beaucoup d'entre eux, comme en témoigne le cas d'une grenade dégoupillée par erreur dans un foyer de soldats russes à Belgorod.

Fausse sécurité – Les Russes se sont longtemps crus en sécurité de leur côté de la ligne de front. Avec les lance-roquettes Himars, les Ukrainiens ont réussi à porter des coups, notamment sur des dépôts de munitions. De nombreux morts ont résulté du fait que les soldats étaient logés à proximité des dépôts pour leur permettre d'utiliser des téléphones portables.

Mauvaise protection de la flotte – Pendant longtemps, la marine russe a uniquement attaqué le sud de l'Ukraine depuis la mer Noire. La défense de la flotte a été négligée. Les Ukrainiens ont réussi à couler des navires avec des missiles et à endommager gravement le pont de Crimée.

Les soldats de Poutine arrivent en masse

Au cours des deux années de guerre, les Russes ont fait les frais de la dureté et de l'intelligence de troupes ukrainiennes motivées. Mais les assaillants ont appris. Mauro Mantovani, stratège à l'Académie militaire de l'EPFZ, l'assure: «L'armée russe a repris le dessus parce qu'elle apporte plus de masse en hommes et en matériel sur le champ de bataille et parce qu'elle est prête à accepter plus de pertes.» La chute de la ville d'Avdiïvka, dans l'est de l'Ukraine, en est le symbole.

La Russie peut recruter et former beaucoup plus d'hommes. Elle a désormais quatre fois plus de troupes en Ukraine qu'au début de la guerre. En février 2022, elle ne comptait «que» 150'000 soldats. De plus, l'industrie de l'armement russe tourne désormais à plein régime.

Grâce à elle et aux livraisons de drones iraniens et de munitions d'artillerie nord-coréennes, Moscou a pu élargir son arsenal et renforcer ses performances dans les zones de combat. «En ce qui concerne les munitions d'artillerie, les Russes sont cinq à dix fois supérieurs aux Ukrainiens, ce qui compense leur taux de réussite plus faible», précise Mauro Mantovani.

Une tactique améliorée

Pour ce dernier, le regain de forme de la Russie est également dû à une adaptation tactique et technique. Au début de la guerre, l'armée russe s'était fortement appuyée sur des bataillons tactiques et des forces spéciales, ainsi que sur les mercenaires Wagner, qui étaient dirigés de manière centralisée avec une «tactique de commandement». Aujourd'hui, le combat dominant en zone urbaine est mené par de petites formations qui jouissent en revanche d'une plus grande liberté en employant un «tactique de mission».

Pour la tactique défensive, les fortifications le long de la ligne de front dans le sud de l'Ukraine ont fait leurs preuves, estime Mauro Mantovani: «C'est comme ça que les Russes ont pu déjouer l'offensive estivale ukrainienne l'année dernière.» A cela s'ajoute le fait que la protection des véhicules et des systèmes électroniques a été améliorée, tout comme la capacité à perturber les communications ukrainiennes et à combattre les drones ennemis, par exemple.

Infiltrer l'Europe

Mais les Russes adaptent également leur stratégie en dehors de la zone de combat. L'appareil de recrutement, de formation et de soutien est renforcé afin de pouvoir mieux infiltrer les pays européens. C'est ce qu'écrit le Royal United Services Institute britannique. Un autre volet de la stratégie russe consiste à entretenir des partenariats agressifs avec des pays africains et à instrumentaliser le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, dans le but d'étendre son influence sur les musulmans en Europe et au Proche-Orient.

«Après deux ans de guerre, la Russie a pris le dessus en Ukraine», résume Mauro Mantovani. Outre les adaptations russes, cette dynamique est due à la baisse du soutien de l'Occident et à l'usure des Ukrainiens. L'expert en stratégie se risque donc au pronostic suivant: «Si le soutien américain se tarit, il faudra s'attendre à des gains territoriaux russes au cours de la troisième année de guerre, bien au-delà des quatre provinces occupées.»

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