L'horreur sur le front ukrainien
«90% d'entre nous vont mourir, tous les soldats le savent»

L'importante percée au sud de l'Ukraine a un coût: les pertes dans l'armée de Volodymyr Zelensky sont très élevées. Un soldat d'une unité d'élite témoigne de l'horreur de son quotidien.
Publié: 06.09.2023 à 11:28 heures
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Dernière mise à jour: 06.09.2023 à 11:33 heures
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Un soldat, ici dans la région de Bakhmout, inspecte la blessure qu'il a reçue sur le champ de bataille.
Photo: keystone-sda.ch
Roman Neumann

Une première ligne de défense et des champs de mines mortels la précédant: voici ce que doit traverser l’armée ukrainienne dans sa contre-offensive. Et ce n’est pas sans conséquence, car les troupes enregistrent des pertes très importantes dans leurs rangs, rapportent des membres de l’infanterie au quotidien anglais «The Times».

Ils font partie du bataillon Skala, une unité d’élite qui lance des attaques dans l’obscurité contre les lignes russes, sans la protection des chars. «Pour combattre et rester efficace à cet endroit, il faut courir après la mort et ne pas laisser la mort courir après soi», glisse Boyets, un soldat de 23 ans dans le bataillon.

L’unité a déjà perdu les trois quarts de ses combattants

Et face à ses camarades tombés au combat, il ajoute: «Je suis prêt à mourir, mais seulement parce que je le dois.» Les terribles récits des soldats montrent que la mort est leur compagne. Dans l’unité de Boyet, ce sont près de trois quarts des hommes qui sont tombés au combat depuis le début de la contre-offensive.

«90% des gars ici vont aussi mourir. Nous le savons. Bien sûr, nous avons percé la première ligne des Russes. Mais putain de merde, à quel prix?», assène le jeune soldat interrogé par le «Times».

Une contre-offensive controversée

Le week-end dernier, le général de brigade Oleksandr Tarnavskyi s’est félicité du fait que les troupes ukrainiennes se trouvaient «entre la première et la deuxième ligne de défense des Russes». Désormais, les combattants ukrainiens avancent des deux côtés de la brèche, renforçant ainsi leur contrôle sur les territoires conquis lors des récents combats.

Sur place, de nombreux combattants sur place ne sont pas satisfaits de la manière dont la contre-offensive est organisée. Notamment parce que le commandement a misé sur des unités de chars pour percer les lignes. Mais l’espoir que les chars Bradley et Leopard permettraient une percée décisive ne s’est pas concrétisé, selon les propos recueillis par le «Times».

24 blessés empilés sur un fourgon

«Les chars Bradley et Leopard sont formidables jusqu’à ce qu’ils rencontrent une mine, ne puissent plus bouger et soient détruits par l’artillerie russe», se désole le soldat Boyets. Selon lui, la grande leçon de l’été est que l’infanterie doit d’abord attaquer à pied afin de dégager le chemin pour les véhicules blindés.

Les rapports sur le nombre de morts et de blessés enregistrés par la 47e brigade mécanisée sont terribles: «Habituellement, tu peux faire sortir quatre blessés avec un véhicule de transport de troupes M-113. En un jour, nous avons dû empiler 24 blessés dans un M-113», raconte le combattant.

Les soldats savent qu’ils vont presque certainement vers la mort. Ce qui exaspère d’autant plus les hommes au front, c’est que des gens «chez eux sur leur canapé» jugent que l’offensive avance plus vite désormais grâce aux chars occidentaux. «J’aimerais que ces gens viennent ici et voient la réalité de notre combat», soutient Boyets.

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