La France et l'Allemagne s'arment
L'Europe est-elle prête pour une guerre nucléaire contre Poutine?

Comme on ne peut plus compter sur les Etats-Unis, la France, puissance nucléaire, offre à l'Europe un bouclier protecteur. Cela suffira-t-il à freiner Poutine? Des experts relativisent la puissance de la France et soulignent la nécessité d’un renforcement nucléaire.
Publié: 06.03.2025 à 20:52 heures
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Dernière mise à jour: 06.03.2025 à 20:58 heures
La France, puissance nucléaire : dans les années 1970, Paris a testé des bombes atomiques en polynésie.
Photo: imago images/KHARBINE-TAPABOR
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Guido Felder

Les Etats-Unis ont coupé l'aide militaire à l'Ukraine. Mais l'Europe n'a pas tardé à réagir. L'Union européenne (UE) a discuté jeudi d'investir près de 800 milliards d'euros pour soutenir l'Ukraine et assurer sa propre défense.

La question de la bombe atomique a également été soulevée. Le président français Emmanuel Macron propose de placer les pays alliés d’Europe sous la protection de l’arsenal nucléaire français. Pendant ce temps, en Allemagne, un débat médiatique s’installe autour de la possibilité de développer sa propre bombe. Une inquiétude demeure: une guerre nucléaire est-elle une menace réelle?

Des armes nucléaires en Europe

En Europe, la France et la Grande-Bretagne sont les seuls pays à posséder leurs propres armes nucléaires. Mais dans le cadre de la coopération de l'OTAN, les Etats-Unis ont également déployé 150 à 200 têtes nucléaires en Belgique, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Turquie.

Macron a proposé de protéger ses alliés en réaction aux déclarations de Friedrich Merz, probable futur chancelier allemand. Face à l’incertitude liée à l’arrivée du président américain Donald Trump, Friedrich Merz estime que l’Europe ne peut plus entièrement compter sur les États-Unis comme partenaire. Il souhaite donc solliciter les deux puissances nucléaires européennes pour garantir la protection de l’Allemagne.

Macron appuierait sur le bouton

Pour de nombreux experts militaires, dissuader la Russie passe inévitablement par l’arme nucléaire. Reste à savoir comment l’Europe peut s’organiser sur cette question.

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La France peut-elle réellement remplacer les États-Unis? Liviu Horovitz, spécialiste de la dissuasion nucléaire à la Fondation Science et Politique de Berlin, en doute. Il confie à Blick: «Les têtes nucléaires dont disposent la France et le Royaume-Uni suffisent à protéger leurs propres territoires. Mais pour défendre d’autres pays, leur nombre et leur configuration sont insuffisants face à la Russie.»

Un autre obstacle majeur réside dans le fait que l’arsenal nucléaire français ne fait pas partie de la dissuasion de l’OTAN. En d’autres termes, seul Emmanuel Macron aurait le pouvoir de décider d’une éventuelle intervention.

L'Allemagne peut-elle construire la bombe?

L'Allemagne débat donc de l’éventualité de devenir une puissance nucléaire. Techniquement, cela serait envisageable, mais juridiquement impossible, puisque le pays est signataire du traité de non-prolifération nucléaire.

Selon les experts, cette discussion ne devrait pas aller plus loin. L’Allemagne a toujours prôné le renoncement aux armes nucléaires dans sa politique étrangère. Liviu Horovitz le confirme: «Je ne connais personne en position de décider qui considère que c’est une bonne idée.» De plus, il est peu probable que Berlin obtienne l’approbation de ses partenaires européens, car une telle démarche bouleverserait l’équilibre du continent. 

La situation est différente en Grande-Bretagne et en France, où les programmes nucléaires se sont développés dans le prolongement historique des puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale.

Sans l'OTAN, rien ne va plus

Pour Liviu Horovitz, la dissuasion nucléaire repose toujours sur la coopération transatlantique, malgré l'imprévisibilité de Trump. Il maintient sa confiance dans la capacité opérationnelle de l’OTAN. «L’OTAN, avec ses moyens, reste la principale solution pour assurer la dissuasion et la défense de l’Europe, en particulier en matière nucléaire.»

Dan Smith, directeur du Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), spécialisé dans l’armement nucléaire, partage cet avis. Selon lui, la solution ne réside pas dans une défense nucléaire autonome de l’Europe, mais dans un renforcement des capacités conventionnelles.

«Si une Europe non nucléaire disposait de forces conventionnelles suffisantes, la Russie n’aurait rien à gagner d’une menace nucléaire. Même une riposte non nucléaire de l’Europe aurait alors des conséquences dévastatrices pour la Russie.», explique-t-il à Blick.

Mais quelle est la probabilité d’une attaque nucléaire en Europe? Liviu Horovitz la juge faible. Selon lui, les armes nucléaires sont avant tout des «armes politiques destinées à la dissuasion et à limiter les options des adversaires». Avant de conclure: «Personne ne veut réellement d’une guerre nucléaire.»

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