Les soldats ukrainiens perdent le moral
«Nous perdons cinq hommes tous les 100 mètres»

La contre-offensive des Ukrainiens fait payer un lourd tribut aux combattants, qui n'avancent que peu et meurent en masse. Cela pèse sur le moral.
Publié: 24.07.2023 à 11:02 heures
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Dernière mise à jour: 24.07.2023 à 11:37 heures
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Un soldat blessé est soigné près de Bakhmout.
Photo: AFP
Roman Neumann

Mètre après mètre, les forces armées ukrainiennes tentent d'avancer face aux occupants russes. La contre-offensive ukrainienne tant attendue est en cours depuis plusieurs semaines – mais elle menace de s'enliser.

«La situation est très difficile. On a laissé trop de temps aux Russes pour se préparer à la contre-offensive», déclare un médecin de terrain au «Kiev Post». Les Russes auraient été conscients que les Ukrainiens avanceraient en direction de Zaporijia. Résultat: ces derniers auraient posé d'immenses champs de mines.

«Ils posent des mines sur les voies d'accès à leurs positions»

Le médecin de terrain explique: «Chaque centimètre carré est miné. Ils posent des mines sur les voies d'accès à leurs positions et les font exploser lorsqu'ils se retirent.» Selon lui, cela a eu pour conséquence que les Ukrainiens ne pouvaient se déplacer qu'au rythme d'un escargot et que de nombreux soldats ont été victimes des mines.

Ces dernières ne sont pas les seules à créer des brèches dans les rangs des Ukrainiens. Un soldat raconte au «Kiev Post» que les Russes attendent les Ukrainiens avec des explosifs, qu'ils sont bombardés par de l'artillerie guidée par des drones et des chars stationnés derrière des collines ainsi que par des bombes aériennes guidées et non guidées.

Ainsi, les troupes n'avancent que lentement, mais le tribut de sang est énorme – et frappe violemment le moral. «En un mois, nous n'avons avancé que d'un kilomètre et demi. Nous n'avançons que de quelques centimètres, mais je ne pense pas que cela vaille toutes les ressources humaines et le matériel que nous avons perdus», raconte un infirmier au journal.

Le manque d'entraînement, un autre problème

Un combattant qui se bat près de Donetsk rapporte encore au «Kiev Post» qu'un autre problème est le manque d'entraînement. Ainsi, avant le début de la contre-offensive, on s'est certes entraîné à conquérir des tranchées – mais pas à les défendre. Dès qu'une fortification russe est prise, l'artillerie adverse nous bombarde «de bout en bout». «Pour cent mètres pris, nous perdons quatre à cinq soldats. C'est la perte moyenne».

Dimanche, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a expliqué le lancement tardif de la contre-offensive par le manque de munitions. Il a également abordé le point du manque d'entraînement dans une interview accordée à CNN. «Nous avions prévu de commencer au printemps. Mais nous ne l'avons pas fait parce que, honnêtement, nous n'avions pas assez de munitions et d'armement, pas assez de brigades dûment formées à ces armes, et encore plus parce que les missions de formation se déroulaient en dehors de l'Ukraine. Mais nous avons quand même commencé. Et c'est important», a détaillé le président ukrainien. Il a ajouté que le retard dans le début de l'attaque avait donné plus de temps à la Russie pour «miner tout notre pays», ce qui a ralenti la progression des troupes ukrainiennes.

Des soldats inexpérimentés sur le front

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a par ailleurs exprimé son scepticisme quant à un succès rapide de la contre-offensive. «La contre-offensive en est encore à ses débuts. C'est difficile. Nous avons, je pense, encore plusieurs mois devant nous», a-t-il indiqué à la CNN. Ce dernier a fait miroiter des avions de combat F-16 à l'Ukraine.

«Oui, je comprends qu'il est toujours préférable de voir la victoire plus tôt. C'est ce que nous voulons aussi. Mais la question est le prix ... de cette victoire. Ne jetons donc pas les gens sous les chars, au sens propre du terme. Planifions notre contre-offensive comme le suggèrent nos analystes. Et certaines de nos zones d'habitation ont déjà été libérées. Je crois donc à notre victoire», a néanmoins déclaré Volodymyr Zelensky, optimiste. Mais cette perspective est-elle réaliste ?

Selon le «Wall Street Journal», toute l'offensive risque même de s'enliser et de faire face à une impasse sanglante: la raison en serait avant tout le manque de souveraineté aérienne. Les commandants et les fantassins font également part au «New York Times» de leurs problèmes sur le front. Suite aux pertes, de nombreux rangs dans les unités auraient été remplacés par des soldats plus âgés et inexpérimentés.

«Nous avons une chance de survie»

En outre, selon le «New York Times», les occupants russes sont supérieurs aux Ukrainiens dans le domaine de la guerre électronique. Les forces russes seraient capables de détecter les signaux des téléphones portables et de brouiller les GPS et les fréquences radio – ce qui perturbe énormément la communication entre les Ukrainiens.

D'après un soldat, un certain fatalisme s'est installé dans les rangs des Ukrainiens. Tout le monde s'attend à être touché. Le soldat fait même une comparaison macabre: «Les gens dans un avion qui s'écrase n'ont aucune chance. Selon les statistiques, nous avons 30% de morts et 40% de blessés, donc nous avons une chance de survivre. Ce n'est donc pas si grave.»


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