Les prisonniers recrutés pour la guerre témoignent
«Les généraux russes nous utilisent comme de la chair à canon»

Des prisonniers russes échangent leur condamnation contre six mois de guerre en Ukraine. C'était du moins le deal initial, mais ces ex-détenus sont désormais contraints de rester sur le front. Un combattant raconte comment les généraux considèrent leur existence.
Publié: 15.08.2023 à 19:58 heures
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Dernière mise à jour: 15.08.2023 à 20:05 heures
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«Servir la Russie est un vrai travail». C'est ainsi que l'armée russe fait de la publicité pour son engagement en Ukraine. En réalité, ce sont surtout des prisonniers qui sont recrutés. (Image symbolique)
Photo: keystone-sda.ch
David Rutschmann

Depuis cette année, l'armée russe recrute une partie de ses forces pour la guerre en Ukraine dans ses prisons. Les condamnés signent des contrats qui stipulent qu'ils s'enrôlent pour une période de six mois, après quoi ils sont censés être graciés. Après la mort d'une grande partie d'entre eux sur le champ de bataille, les généraux font aujourd'hui pression sur les prisonniers en les menaçant pour qu'ils restent au front et signent de nouveaux contrats.

Trois de ces conadmnés à une «double peine» racontent au «New York Times» l'état de la troupe pendant la guerre d'Ukraine. Ils racontent comment les vies des condamnés sont «brûlées» pour que la Russie puisse tenir les territoires conquis. Un mercenaire-prisonnier du nom de Dimitri, qui a entre-temps été tué, selon le quotidien américain, déclare: «Nous ne sommes que des appâts pour que l'ennemi trahisse sa position d'artillerie».

«Pour eux, nous ne sommes pas des humains»

De même, un homme du nom d'Aleksandr raconte qu'il n'a pas encore vu de soldat ukrainien et qu'il n'a pratiquement pas tiré un seul coup de feu. Au lieu de cela, la plupart des attaques ont lieu depuis les airs. La troupe de prisonniers n'aurait aucune possibilité de se défendre contre les bombardements ukrainiens constants. Sur les 120 hommes que compte le groupe d'Aleksandr, il ne resterait que 40 survivants.

«Nous sommes menés à l'abattoir. Pour les généraux, nous ne sommes pas des êtres humains, car nous sommes des criminels», souffle Aleksandr. Ce père de deux enfants avait récemment été condamné à une longue peine de prison pour meurtre. Il a accepté l'offre de grâce de l'armée russe parce qu'il craignait de ne pas survivre à la torture dans les prisons russes. Outre la grâce, l'armée lui a promis l'équivalent d'un salaire mensuel de 1750 francs. Depuis mars 2023, il est au front.

Des corps sont abandonnés

Selon Aleksandr, les prisonniers ne reçoivent parfois pas de nourriture pendant plusieurs jours. Sa troupe a dû piller des biscuits secs et boire de l'eau de pluie, raconte Aleksandr. En mai, il a en outre survécu à un bombardement lors d'une mission de minage du sol. Il a été soigné sur la péninsule de Crimée annexée par la Russie. Lorsque l'armée russe l'a renvoyé dans la zone de guerre, il ne pouvait pas encore marcher correctement.

Selon les données de la BBC, les mercenaires prisonniers constituent depuis le printemps la majorité des victimes de guerre russes. «Il y a des cadavres partout. Personne ne s'intéresse à les ramasser», explique Aleksandr au «New York Times». Les restes de ses camarades morts sur le champ de bataille seraient grignotés par des chiens, car l'armée aurait interdit de les retirer du champ de bataille. Ainsi, les personnes tuées sont enregistrées comme «disparues» au lieu de «mortes au combat». Les survivants n'ont donc pas droit à des pensions compensatoires.

Le ministère russe de la Défense n'a pas commenté l'enquête du «New York Times».

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