En avril 2023, le premier vol d'essai de la fusée « Starship » de SpaceX s'est soldé par une explosion. Un incident qui a non seulement déclenché un feu et dégagé beaucoup de fumée, mais qui a également... créé un énorme trou dans l'atmosphère. Au point que les chercheurs ont été surpris par l'ampleur de l'impact.
Un trou particulièrement grand s'est formé à haute altitude, écrivent les chercheurs dans la revue spécialisée « Geophysical Research Letters ». Il se serait étendu sur des milliers de kilomètres et aurait existé pendant près d'une heure.
Selon l'étude, ce trou consiste en une zone dans laquelle l'air a été neutralisé. En effet, c'est là, dans ce que l'on appelle l'ionosphère, et à une altitude d'environ 60 à 1000 kilomètres, que se trouvent normalement les particules chargées électriquement. Le vol « Starship » a réduit le nombre de ces particules, la combustion du carburant de la fusée ayant entraîné un échange de charges.
Comme l'a expliqué Yuri Jasjukewitsch – auteur principal de l'étude et chercheur à l'Institut de physique solaire et terrestre d'Irkoutsk, en Russie – à la revue « Nature », les gaz d'échappement de différentes fusées peuvent certes créer des trous temporaires, mais l'effet a été particulièrement important dans ce cas, notamment en raison des ondes de choc des explosions.
Une éruption volcanique a également provoqué un énorme trou
L'étude précise que l'ionosphère réagit à différents phénomènes. Elle peut ainsi se modifier lors d'éruptions solaires, de grosses météorites ou d'événements à la surface de la Terre comme des tremblements de terre ou des éruptions volcaniques. Les effets du lancement de «Starship» sur l'ionosphère sont comparables à ceux de grands tremblements de terre ou de l'éruption du volcan sous-marin Hunga Tonga-Hunga Ha'apai, près du royaume des Tonga, en 2022.
Comme les autres chercheurs, Yasukevich a été surpris par l'ampleur des changements observés. « Cela signifie que nous ne comprenons pas les processus qui se déroulent dans l'atmosphère », a-t-il expliqué. Selon lui, il se pourrait que de tels événements aient à l'avenir des répercussions sur la navigation par satellites, par exemple pour les véhicules autonomes.
«Starship» est le système de fusée le plus grand et le plus puissant construit à ce jour. Le 18 novembre 2023, peu après avoir décollé depuis le Texas, le moteur « Super Heavy » s'est séparé après à peine trois minutes de vol et a explosé dans la foulée à une altitude de 90 kilomètres. L'étage supérieur a volé encore 149 kilomètres avant d'exploser lui-aussi. Les débris sont tombés dans la mer au nord-est de Porto Rico, affirme l'étude.
Les systèmes satellitaires ont fourni des données
Pour étudier l'impact du vol «Starship» et de ses explosions, les chercheurs ont utilisé des systèmes de navigation par satellite (GNSS). Dans ce cadre, des récepteurs situés à la surface de la Terre communiquent avec des satellites, et la vitesse de certaines ondes électromagnétiques varie en fonction du nombre de particules électriques présentes dans l'ionosphère.
Grâce à ces données, les chercheurs ont pu constater que le nombre de particules électriques avait diminué dans une certaine zone après le lancement. Les perturbations se sont ensuite propagées en forme de V vers le nord, jusqu'à une distance de 2000 kilomètres. «Cela semble être la première découverte d'un trou ionosphérique non chimique causé par une explosion d'origine humaine», concluent-ils.
Après ce premier vol, d'autres lancements ont été effectués par «Starships» en l'absence de personnes à bord, l'entreprise spatiale privée du milliardaire de la tech Elon Musk. Lors du quatrième test en juin, la fusée géante a volé pendant une demi-heure dans l'espace avant de réussir à amerrir de manière contrôlée. Le vaisseau spatial et la fusée devraient donc être réutilisés à l'avenir. «Starship» a pour objectif à terme de mener des missions habitées vers la Lune et Mars.