Comment trouver l'argent qui sert à financer les combattants du Hamas? Cette question, nombreuses sont les agences à se la poser depuis quelques jours aux Etats-Unis. C'est notamment le cas du Federal Bureau of Investigation (FBI). Il s'agit désormais d'une question de vie ou de mort.
«La recherche des fonds qui financent les terroristes s'est certainement intensifiée après les attentats en Israël», explique Kenneth Rijock, expert en blanchiment d'argent et auteur du livre «The Laundry Man». Il est convaincu que les autorités américaines devraient rapidement se pencher sur la place financière suisse et y trouver leur compte. Selon lui, les banques et autres intermédiaires financiers ne seraient pas suffisamment regardantes sur les transactions qui s'y déroulent. Toutefois, les reproches ne valent pas seulement pour la Suisse, mais pour le monde entier. Kenneth Rijock connaît plus de vingt méthodes permettant de déposer de l'argent du terrorisme dans les banques sans que cela ne soit remarqué.
Un homme expérimenté
Si l'homme sait de quoi il parle, c'est grâce à sa propre expérience: Kenneth Rijock est un personnage haut en couleur. Il a lui-même blanchi de l'argent par le passé. Dans les années 1980, il travaillait pour des trafiquants de drogue colombiens.
Alors jeune avocat en Floride, il faisait passer l'argent de ses clients en jet privé dans des paradis fiscaux des Caraïbes. De là, l'argent était transféré via des trusts et d'autres montages financiers jusqu'à ce que l'origine criminelle ne puisse plus être retracée. Ensuite, les avoirs étaient déposés sur des comptes bancaires en Europe, où les barons de la drogue pouvaient à nouveau accéder à l'argent blanchi.
L'ancien blanchisseur a retourné sa veste
Cela a fonctionné jusqu'à ce que Kenneth Rijock soit démasqué. Il a été condamné à quatre ans de prison pour blanchiment d'argent et participation à des activités criminelles organisées. Pendant son séjour derrière les barreaux, le blanchisseur a changé de camp et a commencé à aider les autorités pénales dans leurs enquêtes sur le blanchiment d'argent. Aujourd'hui, il travaille également comme consultant pour les banques et l'ensemble du secteur des intermédiaires financiers et donne des conférences.
Selon Kenneth Rijock, les intermédiaires financiers suisses devraient cesser de faire mine que tout va pour le mieux et devraient agir sans plus tarder... sous peine d'apparaitre en gros titres dans les médias. Comme à l'époque des attentats contre les Twin Towers à New York en 2001, les banques du monde entier ont été menacées de lourdes amendes. En Suisse, c'est surtout la filiale genevoise de la banque HSBC qui s'est retrouvée dans le collimateur pour financement du terrorisme. Mais d'autres banques suisses ont également dû constater qu'elles n'étaient pas exemptes de tout reproche.
Des fonds terroristes blanchis dans des banques suisses
Selon Kenneth Rijock, cette situation risque de se reproduire. Le Hamas est actif dans le trafic de drogue et d'êtres humains, détaille-t-il. Des fonds blanchis et déposés, entre autres, sur la place financière suisse. Ces manipulations se déroulent sans que les banques s'en aperçoivent. Parce qu'elles ne connaissent pas exactement les méthodes des blanchisseurs d'argent ou n'y regardent pas d'assez près.
Pour expliquer un exemple de blanchiment possible, Kenneth Rijock doit faire un petit détour: «Il existe des polices d'assurance-vie pour les personnes clés dans les entreprises, par exemple le CEO. Si celui-ci a un accident de voiture, l'entreprise a de l'argent pour réagir grâce à l'assurance. Si le CEO part à la retraite, il dispose toujours de la police d'assurance. Il peut alors la faire transférer à sa famille, mais il se rend vite compte du montant des primes. C'est pourquoi un marché secondaire s'est établi pour de telles polices. Le CEO peut y vendre sa police, mais avec une forte décote. Les acheteurs de cette police reçoivent ensuite la somme assurée au décès du CEO.
L'identité des acheteurs de ces polices n'est pas très bien contrôlée, ce qui permet de blanchir de l'argent. Si les acheteurs veulent ensuite déposer l'argent dans une banque, on leur demande bien sûr d'où proviennent les fonds. L'acheteur ou l'acheteuse pourrait alors nommer l'assurance dont il ou elle tient l'argent. Il s'agirait de bonnes adresses, propres, qui ne susciteraient guère de questions de la part des banquiers. Et l'argent est blanchi.
Vingt méthodes de blanchiment d'argent
Sur son blog, Kenneth Rijock décrit en tout vingt méthodes de blanchiment d'argent. Parmi elles, il y a bien sûr la méthode très populaire et lucrative de l'achat de biens immobiliers. Il existe cependant des méthodes plus ludiques.
Une des méthodes évoquées par Kenneth Rijock comprend des loteries et autres jeux-concours. Les blanchisseurs d'argent feraient en sorte que l'on sache qu'ils achètent les gains des gagnants de loterie, prime comprise. Ils achèteraient ensuite aux gagnants leurs billets de loterie et, avec leurs billets gagnants, recevraient de l'argent propre de la société de loterie.
Kenneth Rijock décrit également comment les sanctions nationales seraient contournées par l'achat de nationalités. Dans les pays des Caraïbes comme Saint-Christophe-et-Niévès, Antigua-et-Barbuda, la République dominicaine, Sainte-Lucie et la Grenade, la citoyenneté peut être acquise en investissant certaines sommes. Dans l'Union européenne, Malte connaît également ce que l'on appelle un «Citizenship by Investment Program».
Ces programmes sont un cadeau du ciel. Ils permettent à leurs détenteurs de prendre un faux nom et d'indiquer un lieu de naissance qui correspond au pays du passeport. Il serait également possible de changer la date de naissance, étant donné la corruption rampante liée à ces programmes de passeport. Une toute nouvelle identité pourrait ainsi être créée au profit d'un blanchisseur d'argent.
Attention aux clients possédant un passeport maltais
Dans son blog, Kenneth Rijock cite également le blanchiment d'argent dans le domaine de l'industrie cinématographique, de l'art et des antiquités. Ce dernier cas est très simple: on indique qu'une antiquité coûteuse a été trouvée dans la cave. Bien entendu, elle a été achetée en sous-main et vendue officiellement à une personne ou une institution aussi sérieuse que possible, qui légitimera les fonds reçus.
Toutes ces méthodes seraient aujourd'hui difficiles à identifier par les banques, car elles ne s'y intéressent pas assez. Mais si les efforts des autorités s'intensifiaient à la suite des attentats en Israël, cela pourrait mettre la place financière suisse sur le devant de la scène.
Les banques devraient désormais être plus attentives si elles venaient à recevoir des fonds d'un client maltais. C'est en tout cas ce qui occupe déjà les autorités lors de soupçons de liens avec le Hamas. Il existe à Malte une grande communauté arabe fidèle au groupe islamiste. Elle est soupçonnée depuis longtemps de financer le terrorisme en utilisant notamment des crypto-monnaies.
Dans son blog, Kenneth Rijock écrit également que Suha Arafat, la veuve de Yasser Arafat, l'ancien président de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), a obtenu un passeport maltais. Tout comme sa fille. Elles vivaient grâce aux millions que Yasser Arafat avait prélevés sur les fonds européens, qui étaient en fait destinés au peuple palestinien, affirme Kenneth Rijock.