L'alliance transatlantique se fissure: depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, son gouvernement poursuit à toute allure sa politique America first, au détriment de l'Europe. Le scandaleux sommet entre le président américain, son vice-président J. D. Vance et le président ukrainien Volodymyr Zelensky a montré aux chefs d'État européens qu'en matière de défense, ils ne peuvent plus entièrement compter sur la puissance protectrice américaine.
En réponse, l'Europe prend les devants: la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, souhaite débloquer 800 milliards d'euros pour le réarmement militaire, alors qu'en Allemagne, l'Union et le SPD veulent contourner le frein à l'endettement inscrit dans la Constitution pour accorder un crédit de mille milliards à la défense. Les grands dirigeants politiques européens font bouger les lignes avec de telles initiatives et laissent exploser les cours des actions des entreprises de défense.
Rheinmetall, le grand gagnant
Le fabricant d'armes allemand Rheinmetall, en particulier, est en pleine envolée boursière. Depuis l'entrée de Trump à la Maison Blanche il y a 46 jours, l'action a augmenté de 73%. Le titre du concurrent français Thales, qui a grimpé de 65% depuis l'investiture de Trump, affiche actuellement des performances similaires. Le groupe d'armement italien Leonardo, quant à lui, a vu son cours augmenter de 60% sur la même période. Les gains de 33% du numéro 1 européen, le groupe britannique BAE Systems, semblent presque insignifiants à côté de ces chiffres impressionnants.
La hausse des cours est un pari sur l'avenir. Premièrement, les Etats européens veulent investir nettement davantage dans leur protection militaire. Deuxièmement, le matériel de défense doit être commandé auprès des entreprises nationales, ce qui constitue une rupture avec la pratique actuelle. Selon une analyse de l'institut suédois de recherche sur la paix Sipri, 55% des importations d'armes européennes entre 2019 et 2023 provenaient des Etats-Unis.
Et il y a aussi une raison à cela: sur les dix plus grands groupes d'armement du monde, six sont basés aux Etats-Unis et trois en Chine, l'adversaire géopolitique de Trump. L'Europe n'est représentée dans le top 10 que grâce à BAE Systems. De plus, les pays européens suivent actuellement des stratégies très nationales pour leur armée. Il en résulte une multiplication d'armes, de chars, d'avions de combat et de drones. Chaque État prépare sa propre recette militaire.
Les pays s'arment, les mentalités changent
Dans le secteur, des voix commencent à s'élever pour réclamer un changement de mentalité à l'instar de Michael Schöllhorn, chef de la division armement d'Airbus, qui a appelé à une plus grande coopération européenne. «Nous n'avons pas seulement besoin d'augmentations individuelles et nationales des budgets de défense, mais d'une action concertée des principaux pays européens vers plus de coopération et loin des actions nationales isolées», a-t-il déclaré dans une interview accordée à «l'Augsburger Allgemeine».
Mais tout cela prend du temps. Il faudra «cinq à dix ans» pour que l'Europe puisse voler de ses propres ailes en matière de politique de défense, a déclaré le président français Emmanuel Macron au «Journal du Dimanche». Les groupes d'armement européens devraient connaître des années dorées.