La mobilisation partielle annoncée par Poutine est déjà en cours. Jeunes et vieux disent au revoir à leurs familles. Certains se réjouissent de pouvoir se battre pour leur patrie. D’autres font leurs adieux en larmes, craignant de ne plus jamais revoir leurs proches.
Mais à l’ouest, autour des grandes villes de Moscou, Saint-Pétersbourg et Kazan, l’ambiance n’est pas au départ. La plupart des gens sont surtout appelés depuis les régions de Transbaïkalie, comme le rapporte «Bild». Les bus se rendent à la frontière avec la Mongolie en Bouriatie, ainsi qu’à Yakutsk et Sakhaline, deux localités situées à l’est de la Russie. Et d’anciens soldats sont également sollicités dans les républiques de Tchétchénie et du Daghestan. Les véhicules chargés partent vers l’ouest, tout droit en direction du front en Ukraine.
Les observateurs se montrent inquiets: la sélection de ceux qui sont envoyés à la guerre semble ciblée. Il s’agit d’hommes issus de régions pauvres de Russie, dont beaucoup sont musulmans, ou de prisonniers. Il semble donc que le Kremlin considère que les habitants de ces régions rurales méritent moins de protection que ceux des grandes villes.
Une «compétition entre régions»
Cela suscite l’indignation et le débat, y compris à la télévision contrôlée par l’Etat. Un gouverneur russe a averti qu’il ne fallait pas en arriver à «une compétition entre les régions». Il a demandé qu’un nombre égal de réservistes soit envoyé de toutes les régions de Russie.
Alors que des milliers de personnes sont descendues dans les rues des grandes villes russes pour protester contre la mobilisation partielle (les arrestations se comptaient par centaines jeudi déjà), d’autres milliers partent à la guerre. Outre les régions pauvres de Russie, des personnes sont également appâtées pour servir dans l’armée dans les pays voisins d’Asie centrale, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Dans ces pays, les conditions de vie sont mauvaises et le chômage est élevé. Celui qui sert dans l’armée russe, qui risque sa vie, obtient la citoyenneté russe, un logement et relativement beaucoup d’argent. Poutine semble profiter de ces circonstances pour jeter ces groupes ethniques dans le hachoir à viande de la guerre.
L’élite privilégiée
Les enfants des hommes politiques n’ont en revanche apparemment rien à craindre: le fils d’un porte-parole du Kremlin a été appelé par un partisan de l’opposant russe Alexeï Navalny pour venir se battre. Le descendant de l’élite a alors fait référence à son nom, et a expliqué qu’il ne se laisserait pas dire quoi que ce soit par un simple officier.
Ceux qui peuvent se permettre de quitter le pays s’enfuient. Le chaos règne dans les aéroports russes, tant les gens se réfugient en Azerbaïdjan, en Géorgie et en Mongolie.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’est adressé dans un discours directement à la population russe et a déclaré jeudi: «Ceux qui prennent les décisions dans votre pays protègent leurs enfants. Et vos enfants à vous ne sont même pas enterrés.»