Lundi, Blick a pu s'entretenir en exclusivité sur Skype avec Mykhaïlo Podoliak, l'un des principaux conseillers du président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
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Mykhaïlo Podoliak est un homme très demandé depuis le début de la guerre, ce qui ne l'a pas empêché de prendre le temps d'un entretien d'une demi-heure. Il se montre optimiste quant à la victoire de l'Ukraine dans ce conflit - même si le pays est actuellement confronté aux soi-disant «référendums» russes et à d'éventuelles nouvelles annexions.
Blick: Comment l'Ukraine réagit-elle aux «référendums» dans les territoires occupés par la Russie?
Mykhaïlo Podoliak: Ces référendums sont clairement illégaux. Il s'agit d'une action de propagande de la part des Russes. A nos yeux, ce n'est rien d'autre que de la violence de masse contre un grand nombre de personnes qui se trouvent encore dans des territoires occupés.
L'Ukraine va-t-elle accélérer sa contre-offensive militaire?
Notre contre-offensive est pleinement engagée. Elle ne dépend pas de décisions politiques ou de propagande de la part des Russes. Elle repose sur la tactique et les stratégies développées par l'état-major ukrainien. Et elle dépend du nombre d'armes que nos forces armées reçoivent des pays partenaires.
Quelles sont les sanctions infligées aux Ukrainiens qui ont participé aux référendums fictifs?
Il y a des personnes de nationalité ukrainienne qui ont activement contribué à organiser ces référendums fictifs. Nous avons des listes de noms de personnes qui ont participé d'une manière ou d'une autre. Nous parlons de centaines de collaborateurs. Ils seront poursuivis pour haute trahison. Ils risquent des peines de prison d'au moins cinq ans.
Qu'en est-il de ceux qui ont été forcés de voter?
Ils ne seront pas punis.
Parlons de la mobilisation dans les territoires occupés: des Ukrainiens seront-ils contraints de se battre contre leurs compatriotes?
Les Russes tenteront en tout cas d'envoyer des Ukrainiens des territoires occupés à la guerre. Aujourd'hui déjà, de nombreux rapports font état de Tatars de Crimée (ndlr: population autochtone de la péninsule) qui sont activement appelés et envoyés sur la ligne de front. C'est la tactique russe: la destruction de la population ukrainienne.
Comment l'Ukraine réagit-elle à la mobilisation des Russes? Quelles sont les réserves qu'elle peut mobiliser?
Nous disposons déjà d'une armée efficace, bien positionnée et dotée de soldats expérimentés. Quelque 700'000 hommes qui sont aujourd'hui en réserve ou qui combattent déjà sur le front. Cela nous permet de nous défendre et de riposter par des contre-offensives. De plus, il y a de plus en plus de centres de formation mis en place par nos partenaires occidentaux. Nous avons aujourd'hui beaucoup plus d'armes de l'OTAN.
De son côté, la Russie se mobilise à une vitesse record.
Exactement. Mais nous ne devons pas oublier qu'il s'agit d'une mobilisation forcée. Les Russes enrôlent toutes les personnes - même celles qui sont à peine formées et qui n'ont absolument aucune expérience de la guerre. Elles sont engagées pour compenser les pertes. Ces soldats seront très probablement tués, car ils ne sont pas préparés et sont déjà démoralisés avant le combat.
Nous voyons déjà que la mobilisation russe entraîne un exode massif. Comment l'Ukraine s'y prépare-t-elle?
Les Russes comprennent enfin que la guerre ne signifie pas simplement rester chez soi sur son canapé - mais qu'ils devront payer le prix fort. Nous conseillons donc à tous les Russes qui ne veulent pas se battre sur le territoire ukrainien de se rendre.
Quelles sont alors les possibilités pour les prisonniers?
Conformément aux Conventions de Genève, ils peuvent refuser d'être extradés vers la Russie. C'est la raison pour laquelle nous leur donnons la possibilité de se rendre et d'attendre que le processus de transformation politique commence en Russie. Jusqu'à ce que toutes les peines répressives soient abolies et que les gens puissent retourner dans leur famille.
Quels sentiments suscitent chez vous le fait de voir des hommes politiques européens - comme le président de la Confédération suisse, Ignazio Cassis - serrer encore la main du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov?
Cela montre publiquement qu'ils ne comprennent pas ce que la guerre de la Russie contre l'Ukraine provoque et pourquoi elle est très dangereuse pour le monde.
De quelle manière?
La Russie est extrêmement inefficace sur le plan économique, elle est en retard sur le plan technologique et financièrement, le pays va sombrer. Les Russes proclament l'expansionnisme, c'est-à-dire la prise de possession de territoires d'autres pays. Soutenir cela à moyen et long terme, c'est nuire à sa propre réputation.
Comment convaincre l'Europe que le soutien à l'Ukraine est plus important qu'un hiver froid et des factures d'électricité élevées?
Le monopole russe sur l'approvisionnement énergétique en Europe n'est qu'une ligne de front supplémentaire dans la guerre. Le calcul est simple: si l'Ukraine perd, la guerre énergétique de la Russie contre l'Europe se poursuivra. Si l'Ukraine gagne, la Russie commencera à remodeler son système politique interne, ce qui réduira considérablement la pression de la Russie sur la fixation des prix dans le secteur de l'énergie. Celui qui dépend d'un fournisseur d'énergie monopolistique, qui n'est pas démocratique, mais autoritaire, sera toujours tributaire de ses caprices.
Comment évaluez-vous le risque d'une attaque nucléaire contre l'Ukraine?
L'Ukraine ne possède pas d'armes nucléaires. Elle ne peut donc pas réagir en conséquence à la menace de Vladimir Poutine.
Néanmoins, l'Ukraine se prépare-t-elle à cette éventualité?
Notre pays et sa population se préparent bien sûr à cette éventualité. Mais où devrions-nous évacuer les gens exactement en cas de frappe nucléaire russe contre l'Ukraine? L'utilisation d'armes nucléaires est une question de sécurité globale - il ne s'agit plus ici uniquement de l'Ukraine. Les Etats disposant d'armes nucléaires sont désormais tenus d'agir. Ils doivent faire comprendre à la Russie que l'utilisation d'armes nucléaires aura des conséquences extrêmement catastrophiques.