La Pologne est sur le point de changer d'orientation. Après les élections du week-end, trois partis d'opposition pro-européens vont former le nouveau gouvernement autour de l'ancien président du Conseil européen Donald Tusk. La Commission électorale polonaise a confirmé mardi leur victoire aux élections législatives. Selon les résultats portant sur 99,54 % des bulletins, le PiS (parti droit et justice, au pouvoir depuis 2015) est en tête du scrutin avec 35,58 %, mais sans majorité, tandis que la Plate-forme civique, le parti la Troisième Voie et la Gauche obtiennent ensemble plus de 53,52 %.
Le parti de droite national-conservateur Droit et Justice (PiS) du Premier ministre Mateusz Morawiecki, au pouvoir depuis huit ans, reste donc le parti le plus fort, mais même en coalition avec le parti ultraconservateur Konfederacja, il ne parviendrait pas à former une majorité gouvernementale.
Le président de la République Andrzej Duda décidera à qui il confiera la mission de former un gouvernement. Même s'il était lui-même membre du PiS jusqu'à son élection en tant que président en 2015, le nouveau rapport de force devrait le forcer à passer la main à l'opposition.
Avec environ 74,38%, la participation aux élections a été la plus élevée depuis 1989. Bien que les résultats officiels ne soient annoncés que mardi matin, Donald Tusk s'est présenté dès ce week-end comme vainqueur et nouveau Premier ministre. Il a exulté: «La Pologne a gagné, la démocratie a gagné. Nous avons écarté PiS du pouvoir. Je suis l'homme le plus heureux sur terre». Donald Tusk, qui appartient à la Coalition civique (KO) libérale-conservatrice, avait déjà été chef du gouvernement de 2007 à 2014.
Le PiS prévoyait de rétablir la peine de mort
Le PiS avait conduit la Pologne sur une voie catholique et conservatrice avec une rhétorique anti-UE: abrogation du droit à l'avortement, sape du système judiciaire, politique migratoire sévère, contrôle des médias – la réintroduction de la peine de mort était également à l'ordre du jour.
La stratégie du parti était de désigner l'Allemagne comme l'ennemi et ce, de façon de plus en plus virulente. Le PiS exige de Berlin des réparations pour la Seconde Guerre mondiale à hauteur de 1300 milliards d'euros. Le parti a qualifié Donald Tusk d'agent des intérêts allemands.
La Pologne est aussi en froid avec l'UE depuis que Bruxelles a gelé environ 36 milliards d'euros de subventions et de prêts du plan de relance de l'UE. La raison? La réforme controversée de la justice polonaise. L'union lui a par ailleurs infligé une amende de plusieurs centaines de millions d'euros.
La Pologne a un besoin urgent d'argent. L'inflation s'élève à environ 20%. Les aides sociales promises par le PiS n'ont pas pu être versées.
Nouvelle amitié avec Bruxelles
Avec un nouveau gouvernement, Bruxelles exultera plus que probablement. Kai-Olaf Lang, spécialiste de la Pologne à la Fondation Science et Politique à Berlin, déclare à ce sujet: «Bien que toutes les divergences ne disparaissent pas et que Varsovie continuera de se battre pour ses propres intérêts sur des questions comme la politique migratoire ou climatique, il faut s'attendre à une politique pragmatique et constructive. La Pologne évoluera au cœur des politiques de l'UE, la communauté en sortira renforcée.»
Un nouveau gouvernement devrait également rimer avec un nouvel élan en ce qui concerne la gestion de la guerre en Ukraine. «La phase de soutien enthousiaste à l'Ukraine est terminée, et les intérêts des agriculteurs polonais en matière d'importation de biens agricoles seront également protégés par un nouvel exécutif à Varsovie», tempère Kai-Olaf Lang.
Le ton sera toutefois plus prudent. Kai-Olaf Lang poursuit: «La Pologne maintiendra son rôle de plaque tournante importante pour l'approvisionnement de l'Ukraine et sa relation étroite avec les Etats-Unis en matière de politique de sécurité.»
Le président a un droit de veto
Mais même sans responsabilité gouvernementale, le PiS ne disparaîtrait pas aussi simplement, estime Kai-Olaf Lang. «Il a obtenu un résultat électoral solide et continuera de peser par la voix du président de la République qui dispose d'un droit de veto lui permettant de freiner les lois.»
De plus, le parti a créé des lois qui ne seront pas renversées de sitôt et qui pourraient rendre la vie difficile à un nouveau gouvernement. Kai-Olaf Lang conclut: «Un futur gouvernement formé par l'opposition actuelle ne pourra donc pas simplement gouverner à travers.»