Robert Fico, 59 ans, est le Premier ministre de Slovaquie. Il est l'un des hommes politiques les plus controversés d'Europe. Il peut compter sur de nombreux amis. Mais l'homme politique a aussi des ennemis. La Slovaquie en a pris douloureusement conscience ce mercredi. Après une réunion du cabinet dans la ville slovaque de Handlová, une personne a tiré sur Robert Fico, le blessant grièvement. Selon le ministère slovaque de l'Intérieur, il s'agirait d'une tentative d'assassinat.
Robert Fico a déjà été élu trois fois Premier ministre de son pays. De 2006 à 2010 et de 2012 à 2018, il a dirigé le pays avec son parti populiste et social-démocrate, le SMER. Mais qui est vraiment cet homme, et pourquoi a-t-il été la cible d'une tentative d'assassinat présumée?
«Cabinet de l'horreur» et rapprochement avec l'UE
En 2006, Robert Fico est élu pour la première fois Premier ministre slovaque. Il forme une coalition avec deux autres partis nationalistes. Les médias critiques le baptisent le «cabinet de l'horreur». On s'attendait à ce que son mandat soit une catastrophe. A la base, ses partenaires de coalition voulaient s'éloigner de l'UE et de l'OTAN plus que beaucoup ne l'auraient souhaité.
Pourtant, en surface, Robert Fico a mené la barque avec prospérité. Grâce à l'introduction de la flat tax, la Slovaquie a connu un miracle économique. En 2009, l'euro est officiellement introduit en tant que monnaie nationale et, de manière générale, le pays se rapproche de l'UE. Le parti du Premier ministre, le SMER, fait toujours partie du groupe social-démocrate au Parlement européen. Robert Fico lui-même est considéré en Europe comme quelque peu populiste, mais pas comme un véritable danger pour la démocratie, contrairement aux critiques nationaux-conservateurs de l'UE en Pologne ou en Hongrie.
Liens avec la mafia italienne et chute du pouvoir
Après une brève interruption, Robert Fico est réélu en 2012. Il est soutenu par les trois anciens présidents de la Slovaquie. La France, le président du Conseil de l'Europe de l'époque et la République tchèque sont également à ses côtés. Il brigue alors directement un nouveau mandat, de 2016 à 2018.
Les recherches du journaliste de Ringier Ján Kuciak (1990-2018), assassiné par la mafia, sont à l'origine de la fin du mandat de Robert Fico en 2018. Le journaliste a révélé au grand jour que la mafia italienne avait une influence jusque dans les plus hautes sphères du gouvernement slovaque. La Slovaquie est restée sous le choc pendant des semaines. Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour une «Slovaquie décente». Robert Fico est alors écarté du pouvoir.
Allié de Poutine et «orbanisation» du pays
Cinq ans plus tard, en septembre 2023, le populiste fait son retour. Il occupe actuellement pour la troisième fois le poste de Premier ministre slovaque. Au cours des cinq dernières années, sa politique s'est dirigée davantage vers la droite. I promet que son parti, le SMER, incarnera une «social-démocratie rustique».
Il oppose la social-démocratie «slovaque» à la social-démocratie «bruxelloise». Il ne faut pas avoir honte du fait que son parti est différent des sociaux-démocrates occidentaux. Ces derniers, selon Fico, font fausse route dans leur engagement pour les minorités, les migrants et la communauté LGBTQ. Il cite justement le chef d'État hongrois Viktor Orbán comme exemple.
En outre, Robert Fico soutient la Russie. Il est donc opposé à l'aide à l'Ukraine: «Cette guerre n'est pas notre guerre», argue-t-il. Selon lui, la guerre a commencé «en 2014, lorsque les nazis et les fascistes ukrainiens ont commencé à assassiner des citoyens russes dans le Donbass». Une théorie du complot qui n'aurait pas pu être mieux racontée par le chef du Kremlin Vladimir Poutine.
Le retour de Robert Fico au pouvoir a suscité d'autres inquiétudes quant au sort de la démocratie en Slovaquie. Certains commentateurs mettaient même en garde contre une «orbanisation» du pays. Car Robert Fico a suffisamment prouvé que la conservation du pouvoir est plus importante pour lui que le respect des principes démocratiques. Si son pouvoir est menacé, il n'y a «probablement pas de limites à la manière dont il serait prêt à plier le système pour se protéger, lui et ses acolytes», écrivait le «Journal of Democracy» à son arrivée au pouvoir.