La Suisse doit faire plus pour la protection du climat. C'est la conclusion à laquelle sont arrivés les juges de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en avril. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce verdict qui a mis la Berne fédérale en émoi. Ce qui a suscité de si vives critiques – de la part des bourgeois mais pas uniquement – c'est que les commissions compétentes du Conseil national et du Conseil des États ont récemment demandé de ne pas tenir compte de cet arrêt.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. De nombreuses interventions ont été déposées ces derniers jours par des parlementaires de l'Union démocratique du centre (UDC) et du Parti libéral-radical (PLR). Les partis de droit envisagent même d'autres mesures, comme la dénonciation de la Convention européenne des droits de l'homme. Mais les juges aussi sont dans leur collimateur: le conseiller aux Etats PLR Andrea Caroni s'en prend désormais aussi à eux.
Le PLR veut que le Parlement nomme les candidats suisses à la CEDH
Posons le contexte. Chacun des 47 Etats membres de la convention doit désigner un juge représentant de son pays. C'est Andreas Zünd, membre du Parti socialiste (PS), qui siège depuis trois ans à Strasbourg au nom de la Suisse. Le Conseil fédéral l'avait désigné avec deux autres candidats, et c'est finalement le Parlement du Conseil de l'Europe qui l'avait élu.
C'est la procédure habituelle. Mais Andrea Caroni veut la modifier. A l'avenir, le PLR ne veut plus que le Conseil fédéral soit en charge de cette décision. Pour lui, c'est au Parlement de nommer les candidats suisses à la CEDH. Une telle mesure permettrait de «renforcer la légitimité démocratique du membre suisse», selon l'intéressé. Les conseillères et conseillers aux Etats du Centre, de l'UDC et du PLR ont cosigné son intervention.
L'arrière-pensée des partis bourgeois est claire: ils veulent écarter les juges indésirables du pouvoir. Andreas Zünd faisait partie des 17 juges qui ont rendu l'arrêt controversé sur le climat: 16 des 17 juges ont voté pour une condamnation de la Suisse – et le juge suisse en faisait partie.
Le juge suisse a un pouvoir énorme
La demande d'Andrea Caroni ne date pas d'hier. Il y a dix ans, le conseiller national UDC Alfred Heer avait proposé exactement la même chose à la suite d'arrêts également controversés de la CEDH. Le Conseil national avait toutefois rejeté sa proposition. Andrea Caroni, qui était encore conseiller national à l'époque, était aussi contre à l'époque.
Mais le PLR a désormais changé d'avis. «J'ai pris conscience de l'importance du juge suisse», déclare l'élu. Lorsqu'une affaire concernant la Suisse est traitée, le juge représentant est toujours impliqué et a un rôle particulier: en règle générale, il prépare la procédure et fait une proposition de jugement – d'où l'importance de le choisir avec soin.
A la critique selon laquelle l'élection serait ainsi trop politisée, Andrea Caroni répond: «Ce ne serait qu'une proposition, et ce, pour un mandat unique. En revanche, les juges fédéraux sont aujourd'hui directement élus par le Parlement et doivent même être réélus.»
Qui peut prendre les meilleures décisions?
Le Parlement est également compétent pour l'élection du procureur général de la Confédération, le plus haut enquêteur du pays. Jusqu'en 2010, cette compétence revenait encore au Conseil fédéral. Le Parlement pensait qu'il prenait les meilleures décisions en matière de personnel que le gouvernement, après les scandales à répétition à la tête du Ministère public de la Confédération.
Mais cette décision s'est avéré être une grosse erreur. En 2020, le procureur général de la Confédération Michael Lauber a quitté ses fonctions de manière peu glorieuse, moins d'un an après avoir été réélu par le Parlement. Les revendications ne se sont pas fait attendre: il valait mieux que ce soit à nouveau le Conseil fédéral qui élise le procureur.