Les rues de Metulla, dans le nord d'Israël, sont désertes, avec ici et là des carcasses de voitures brûlées. Arie Almog et Imy George vivent depuis dix mois dans une ville fantôme. Il y règne un silence étrange, seulement interrompu par le grondement des projectiles du Hezbollah et des frappes aériennes des forces israéliennes, raconte le couple. «Ce n'est plus la ville telle que nous la connaissons», soupire Arie Almog. Et pourtant, Imy George et lui sont restés.
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Metulla est la ville la plus au nord du pays – et c'est celle que le Hezbollah, un groupe paramilitaire terroriste libanais, a le plus ciblée. Les fenêtres de nombreuses maisons ont volé en éclats, les toits sont criblés de balles, plus d'un tiers des bâtiments sont détruits ou fortement endommagés. Metulla est entourée sur trois côtés par la clôture frontalière. Elle se trouve directement sur la ligne qui sépare Israël du Liban.
Des bombardements «solidaires» envers le Hamas
En théorie, la bande opposée de l'État voisin libanais est depuis des décennies une zone tampon, surveillée par la mission d'observation de l'ONU Unifil. En réalité, c'est là que le Hezbollah, puissance militaire et milice terroriste au pouvoir à Beyrouth, s'est installé.
Depuis le 8 octobre 2023, au lendemain de l'attaque dévastatrice du Hamas contre des colonies israéliennes, le Hezbollah ne cesse de bombarder le nord d'Israël de roquettes, de mortiers et d'obus antichars – «par solidarité» avec le Hamas. Israël répond par des raids aériens et des tirs d'artillerie.
Des deux côtés de la frontière, il y a eu de nombreux morts, des dizaines de milliers de personnes ont fui. Metulla comptait 2500 habitants avant le 8 octobre. Aujourd'hui, ils ne sont plus qu'une centaine, la plupart portant des uniformes.
«Si nous fuyons, nous donnons raison aux terroristes»
Seule une poignée de civils ont, comme Arie Almog et Imy George, résisté à l'ordre d'évacuation. Parce qu'ils ne sont pas prêts à abandonner leur terre et à devenir des réfugiés dans leur propre pays. «Si nous nous laissons expulser, si nous nous enfuyons, nous donnons raison aux terroristes, et cela continuera toujours», affirme Arie Almog. «Personne ne peut nous prendre notre terre!»
Arie Almog a grandi dans la région frontalière et vit à Metulla depuis plus de 40 ans. Le conflit frontalier n'est pas nouveau, dit-il, les provocations et les attaques ont toujours existé. Mais cette fois-ci, l'intensité des combats est différente. Il est conscient du danger, mais sa partenaire et lui l'acceptent en toute connaissance de cause. Arie Almog aurait préféré que davantage de personnes restent sur place. «Il ne s'agit pas de moi, mais de notre mode de vie, que nous défendons.»
«Le gouvernement nous a abandonnés»
Environ 100'000 Israéliens ont quitté leur domicile dans le nord. Beaucoup d'entre eux sont en désaccord avec le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, dont la priorité est le sud et la lutte contre le Hamas. C'est également l'avis de Liat Cohen Raviv, qui habitait à Metulla. «Le gouvernement nous a abandonnés», dit-elle. Après avoir passé deux mois dans un hôtel, elle et sa famille ont trouvé une maison temporaire à Rosh Pina, à une vingtaine de kilomètres au sud de la frontière.
Rosh Pina, c'est pour ainsi dire la nouvelle frontière avec le Liban, explique Raviv. «Au lieu de faire respecter la zone tampon avec le Hezbollah au Liban, Israël en a créé une nouvelle sur son propre territoire.» Liat Cohen Raviv a créé le forum Matzpinim pour les personnes évacuées dans le nord afin de leur donner une voix. Elle organise des conférences et intervient dans des talk-shows.
Elle travaille surtout avec Matzpinim sur le retour attendu avec impatience dans la région frontalière: lorsque toute l'horreur sera un jour terminée, la communauté devrait pouvoir retourner dans une patrie mieux protégée. «Je ne connais aucun autre pays qui tolérerait le bombardement direct de ses maisons pendant dix mois», déclare Liat Cohen Raviv.
«L'évacuation était une erreur»
La population du nord se sent à juste titre négligée, affirme Eitan Shamir: Israël a délibérément choisi de ne pas mener une guerre sur deux fronts. Selon le directeur du Centre Begin-Sadat pour les études stratégiques en Israël, l'évacuation à grande échelle à la frontière avec le Liban était toutefois une erreur.
Certes, la crainte que le Hezbollah, après le Hamas au sud, puisse également attaquer les colonies israéliennes au nord est compréhensible: «Mais l'évacuation des villages a permis à la milice chiite de tirer systématiquement sur les bâtiments civils les uns après les autres.»
Si les maisons étaient habitées, le Hezbollah ne se risquerait guère à un tir massif comme à Metulla, estime Shamir. «Cela conduirait immédiatement à une guerre entre Israël et le Liban», affirme l'expert en sécurité. Et c'est ce que le Hezbollah veut éviter malgré sa rhétorique de plus en plus agressive. En détruisant des infrastructures abandonnées, il prend en revanche un risque calculable.
La reconstruction sera longue
Liat Cohen Raviv pense que les dommages sociaux causés par l'évacuation seront importants. La cohésion en souffre, le déracinement laisse de vilaines traces : «Il faudra beaucoup de temps pour reconstruire nos maisons et nos rues, notre communauté», dit-elle. Mais elle est néanmoins déterminée à retourner à Metulla. «Tout cela prend certes plus de temps que prévu, mais cela prendra fin.» Cohen Raviv est convaincue que 80% des habitants de Metulla suivront son exemple.
Arie Almog et Imy George en sont également persuadés. «Et puis nous nous aiderons mutuellement, c'est ce que nous avons toujours fait.» D'ici là, le couple essaie de vivre un quotidien aussi normal que possible dans la ville fantôme de Metulla. Entretenir le jardin, travailler dans la maison, ils font tout pour garder un semblant de normalité.
En cas de tirs du Hezbollah, ils se réfugient dans la maison, mais rarement dans l'abri. Comment pourraient-ils faire autrement d'ailleurs? La frontière est si proche que l'alarme ne retentit souvent qu'après l'impact du projectile.
Depuis leur maison, ils ne peuvent pas voir la clôture frontalière. Celle-ci se trouve derrière une petite colline et n'est donc pas dans la ligne de tir directe. Le grondement des explosions quotidiennes ne leur fait pas peur, assure Arie Almog. Ils vivent simplement au jour le jour. Avec un grand souhait: la paix. Et que les habitants des deux côtés de la frontière s'acceptent à l'avenir.