Le critique du Kremlin emprisonné craint pour sa vie
Vladimir Kara-Mourza sera-t-il la prochaine victime de Poutine?

Tout comme l'opposant décédé Alexei Navalny, Vladimir Kara-Mourza a été victime d'empoisonnement en prison. Critique du Kremlin, il a été condamné et transféré dans un camp pénal strict en Sibérie. Ses proches craignent qu'il ne soit la prochaine victime de Poutine.
Publié: 20.02.2024 à 20:10 heures
Vladimir Kara-Moursa a été jugé à Moscou en 2022.
Photo: IMAGO/SNA
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Guido Felder

Il n'a aucun scrupules. Aucun remord. Le président russe Vladimir Poutine écarte tous ceux qui pourraient lui nuire. Vendredi, le célèbre opposant au Kremlin emprisonné Alexeï Navalny est mort. Il s'est effondré dans le camp pénal n°3 de la colonie polaire de Charp, au nord-ouest de la Sibérie. Le critique russe ne s'est apparemment jamais vraiment remis de l'empoisonnement présumé qui l'avait plongé dans le coma en 2020.

Mais Alexeï Navalny n'est pas la seule cible de Poutine. De nombreux opposants sont dans le viseur du chef d'Etat russe. Les sbires de Poutine sont soupçonnées d'être à l'origine de la tentative d'assassinat du pilote d'hélicoptère russe Maksim Kuzminow. 

Ce dernier, qui avait touché près d'un demi-million d'euros pour sa défection à l'Ouest, a été retrouvé mort la semaine dernière en Espagne avec plusieurs blessures par balle. Les opposants au régime russe vont-ils continuer à tomber sous le poing de Poutine?

650 prisonniers politiques en Russie

Selon l'organisation de défense des droits de l'homme Memoria, environ 650 prisonniers politiques croupissent dans des prisons russes. Après la mort de Navalny, c'est sans doute Vladimir Kara-Mourza qui est le prochain sur la liste. En avril 2023, le tribunal municipal de Moscou l'avait condamné à 25 ans de prison dans des «conditions de détention sévères».

Vladimir Kara-Mourza est accusé de hautes trahisons, de dénigrement de l'armée russe et de travail illégal pour une organisation jugée inopportune. Le quarantenaire russe avait vivement critiqué la guerre d'agression menée par son gouvernement contre l'Ukraine. Il a, tout comme Navalny, fait l'objet de deux attaques toxiques en 2015 et 2017, auxquelles il a survécu de justesse.

Empoisonné par la «même équipe de tueurs» que Navalny

Au sein de la Free Russia Foundation, dans laquelle Vladimir Kara-Mourza occupe le poste de vice-président depuis 2019, l'inquiétude règne depuis la mort de Navalny. La présidente de la fondation Natalia Arno avait, elle aussi, présenté des symptômes d'empoisonnement pas plus tard que l'année dernière. «Il y a des centaines d'autres prisonniers politiques en Russie, et je m'inquiète pour la vie de chacun d'entre eux. Je crains que l'une des prochaines cibles soit Vladimir Kara-Mourza», déclare-t-elle à Blick.

Et pour cause: le vice-président aurait été empoisonné à deux reprises par «le même commando de tueurs» qui a attaqué Alexeï Navalny. Le même agent neurotoxique Novitchok aurait été utilisé. «Nous faisons tout pour le libérer», promet Natalia Arno. Pour ce faire, une campagne internationale et des procédures judiciaires internationales ont été lancées.

En 2023, les proches de l'opposant en danger n'ont plus eu de nouvelles de lui pendant des semaines. A la fin de l'année, il aurait été transféré dans un autre camp pénitentiaire, toujours en Sibérie, comme l'avaient fait les autorités russes avec Alexeï Navalny. A Omsk, le détenu rebelle devra rester enfermé jusqu'à fin mai dans une cellule individuelle de trois mètres sur un mètre et demi. On parle ici de la mesure la plus sévère du système pénitentiaire russe.

Braiser dans une mini-cellule

Lundi matin, un avocat d'Omsk a pu lui rendre visite à la colonie n°7. «L'état de santé de Vladimir ne cesse de se dégrader. Son état est incompatible avec une détention dans une colonie pénitentiaire au régime strict», explique Natalia Arno. Les conditions sont décrites comme «pénibles». 

En mai 2023, la femme de l'intéressé Evguenia Kara-Mourza avait raconté à Blick que son mari avait perdu plus de 20 kilos au cours des premières semaines dans le camp et qu'il avait perdu toute sensibilité dans les pieds et la main gauche.

Dans une interview récente avec le «Zeit», elle décrit le quotidien de son mari meurtri. Ce dernier a le droit de lire et d'écrire des lettres pendant une heure et demie par jour et de se promener pendant la même durée. Dès qu'il s'assoit sur un tabouret dans sa cellule, lit relevé, et qu'il ferme les yeux, des cris stridents dans le haut-parleur lui rappellent qu'il n'a pas le droit de dormir durant la journée.

Les critiques donnent du courage

Tout comme Alexeï Navalny, Vladimir Kara-Mourza avait regagné en Russie après les attaques toxiques qu'il a subies. «Il ne pouvait pas s'en empêcher», explique sa femme. «Dans sa vision du monde, il n'a pas le droit de parler au nom des personnes persécutées politiquement s'il n'est pas prêt à partager leur sort.» A cela s'ajoute le fait qu'un régime comme celui de Poutine est basé sur la peur et que son mari «Volodia», comme elle le surnomme, a ainsi voulu faire preuve de courage et de résistance.

Les destins d'Alexeï Navalny et de «Volodia» sont tragiques. Mais ils sont un appel à l'espoir, au courage, estime Natalia Arno. «C'est la preuve qu'il y a des Russes qui croient en la démocratie, en la liberté, et qui sont prêts à mourir pour elles.»

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