«The Line», la mégapole futuriste en forme de ligne au cœur du mégaprojet saoudien Neom, prend déjà forme de manière visible sur les images satellites. La construction est en cours depuis longtemps, contrairement à d'autres qui n'existent pour l'instant que sur la planche à dessin.
Mais le projet semble se heurter à ses premières limites. Les plans auraient été largement revus à la baisse, rapporte Bloomberg. L'agence de presse américaine s'appuie sur des documents internes qu'elle a pu se procurer. «The Line» ne fera donc que 2,4 kilomètres de long et accueillera environ 300'000 personnes d'ici à 2030. Le plan initial prévoyait environ 1,5 million d'habitants d'ici à 2030, et même 9 millions en 2045, lorsque le projet serait achevé. L'ouvrage était pensé pour pouvoir un jour mesurer 170 kilomètres de long, 500 mètres de haut et 200 mètres de large.
Mais ce n'est pas tout: selon des initiés, certains des autres volets du projet Neom ne seront pas achevés à temps pour 2030. «Oxagon», qui se veut comme une «ville industrielle réinventée», devait initialement être prête en 2024, et la station de ski «Trojena» en 2026. Apparemment, il n'en sera rien. En revanche, le complexe de luxe au bord de la mer Rouge, appelé «Sindalah», devrait lui bel et bien ouvrir ses portes cette année encore.
Que s'est-il passé?
La grande «Vision 2030» des Saoudiens est l'œuvre du prince héritier Mohammed ben Salmane, en abrégé «MBS». Avec ce projet, il entend propulser le pays, auparavant plutôt discret et peu développé sur le plan touristique, à la pointe du progrès mondial. Et ce sur plusieurs plans: tourisme, technologie, sport, etc.
Mais MBS cherche veut avant tout réduire la dépendance de son pays au pétrole. Ce n'est pas un hasard si le prince héritier a présenté le projet pour la première fois en 2014, lorsque le prix du pétrole a chuté de 45%, creusant un trou sensible dans les caisses saoudiennes.
Depuis, Saudi-Aramco – la compagnie pétrolière publique du pays – a de nouveau réalisé des bénéfices annuels de plusieurs centaines de milliards. Le «Public Investment Fund» (PIF) de l'Arabie saoudite, qui finance plus de la moitié des coûts de «Vision 2030», est plein à craquer.
Une fortune pas inépuisable
Pourtant, il s'avère aujourd'hui que la cagnotte de MBS n'est pas inépuisable. En février déjà, le «Wall Street Journal» rapportait que l'Arabie saoudite avait contracté des crédits pour la réalisation de ces plans aussi ambitieux que démesurés. La vente de parts de l'entreprise publique Saudi Aramco – qui est d'ailleurs la plus grande société d'extraction de pétrole au monde – serait également prévue.
«The Line» coûte à elle seule près de 500 milliards de dollars. Pour l'ensemble des projets de «Vision 2030», environ 1000 milliards de dollars sont budgétés. Une multitude d'investisseurs externes s'en mêlent, mais ils ne seraient apparemment pas encore assez nombreux. L'Arabie saoudite verserait en outre d'énormes salaires à des conseillers étrangers. Le pari n'est-il en définitive pas trop gros?
Comment continuer?
Le nouveau budget de Neom n'a pas encore été fixé. Le projet ne sera certainement pas abandonné, mais il sera nettement revendu à la baisse. De plus, les critiques se multiplient: 2000 personnes ont été déplacées de force pour la construction de Neom. Selon «Amnesty International», l'Arabie saoudite a exécuté certains de ceux qui s'y sont opposés. Et MBS doit essuyer les critiques de ceux qui lui reprochent des plans déconnectés de la réalité.
Ni MBS, ni les représentants de Neom ou du PIF ne se sont exprimés sur l'enquête de Bloomberg. Mais l'annonce du prochain volet du projet Neom ne devrait pas se faire attendre longtemps. Pour mettre en œuvre sa «Vision 2030», MBS fera feu de tout bois et nul ne doute qu'il fera tout pour transformer les revers subis en coup gagnant.