La condamnation de Greenpeace à verser 665 millions de dollars à une entreprise aux Etats-Unis a suscité jeudi la colère et l'inquiétude d'associations de défense de l'environnement et des droits humains, qui dénoncent une «attaque» «contre le mouvement climatique dans son ensemble».
La célèbre ONG a été condamnée mercredi à verser cette somme en dommages et intérêts à l'exploitant d'un oléoduc contre lequel elle s'était opposée, une lourde condamnation qui pourrait avoir de larges implications sur les mouvements de mobilisation.
Le mouvement climatique agressé
Le Réseau action climat (CAN) international, qui regroupe près de 2000 organisations de la société civile dans le monde entier, a dénoncé une «attaque sinistre de 'Big Oil' contre la liberté de parole et les manifestations pacifiques». Ce verdict «devrait tous nous inquiéter», a jugé Tasneem Essop, sa directrice exécutive.
C'est «non seulement une attaque contre Greenpeace mais une agression effrayante contre le mouvement climatique dans son ensemble», estime pour sa part l'ONG internationale 350.org. «Cette décision de justice est une tentative flagrante de réduire au silence les opposants et d'écraser le pouvoir de l'activisme populaire», dénonce sa directrice exécutive, Anne Jellema.
«Horrifiée» par le jugement
Transparency International, autre ONG plus spécifiquement spécialisée dans la lutte contre la corruption, a dénoncé une procédure «inconcevable». «Au moment où le monde lutte face à une crise climatique existentielle, il ne peut pas être admissible que les défenseurs de l'environnement soient réduits au silence par un système juridique transformé en arme», juge Brice Böhmer, un responsable de l'association.
Matilda Flemming, directrice des Amis de la Terre Europe, s'est dite «horrifiée» par le jugement. «Le droit à manifester est menacé à travers le monde, de la part de grandes entreprises ou de politiciens poursuivant leur propre intérêt, qui menacent nos démocraties», dénonce-t-elle.
«Ce détournement du système judiciaire étouffe les contestations légitimes et doit être vu comme une menace directe contre la justice environnementale et les libertés démocratiques», abonde Rebecca Brown, dirigeante du Centre pour le droit international de l'Environnement (CIEL).
Le combat continue
«De telles tactiques ne nous dissuaderont pas, elles ne feront que renforcer notre engagement en faveur de la résistance, de la solidarité et de la défense du droit à manifester, protégé par la constitution» des Etats-Unis, a-t-elle promis. Même tonalité du côté de l'ONG Oil Change International: «nous continuerons à résister et à tenir les entreprises responsables parce que notre futur en dépend», a prévenu Collin Rees, un de ses responsables aux Etats-Unis.
Un jury de l'Etat américain du Dakota du Nord a reconnu Greenpeace responsable de la majorité des griefs qui lui étaient reprochés et l'a condamné à verser plus de 665 millions de dollars au groupe Energy Transfer. Greenpeace a annoncé qu'elle ferait appel. Au cœur de cette bataille judiciaire: les manifestations menées entre 2016 et 2017 dans cet Etat contre le projet décrié du Dakota Access Pipeline, qui s'étaient soldées par des centaines d'arrestations et de blessés.