Le patron de Nvidia, Jensen Huang, a ouvert mardi la conférence annuelle de son groupe, le géant des puces d'intelligence artificielle (IA). L'occasion de célébrer son succès fulgurant au-delà de l'épisode DeepSeek, la start-up chinoise qui a remis en question l'importance de la firme américaine.
«L'année dernière, les gens parlaient du Woodstock de l'IA», a lancé Jensen Huang au public du SAP Center de San Jose (Silicon Valley), qui accueille en temps normal des matches de hockey et des concerts. «Cette année, nous sommes le 'Super Bowl de l'IA'. Avec une différence: tout le monde gagne à ce Super Bowl!», a-t-il ajouté, en référence à la finale du championnat de football américain. Depuis le succès de ChatGPT (OpenAI) fin 2022, Nvidia vit un conte de fées.
Ses coûteuses cartes graphiques (GPU), déjà centrales dans l'industrie des jeux vidéo, sont devenues incontournables pour toutes les entreprises qui entraînent des modèles d'IA générative. Et le groupe californien entend rendre ses puces et logiciels essentiels partout, des serveurs dans les centres de données aux robots et à l'informatique quantique.
La Blackwell Ultra, «superpuce» améliorée
Jensen Huang a présenté mardi la Blackwell Ultra, version améliorée de sa «superpuce» Blackwell, dévoilée il y a un an, et qui suscite une demande «incroyable», selon le patron. Il a aussi vanté en des termes dithyrambiques les propriétés de la Vera Rubin, une nouvelle GPU baptisée du nom de l'astronome américaine «qui a découvert la matière noire» et sera commercialisée en 2026.
La demande pour des semi-conducteurs toujours plus rapides et puissants vient des besoins des nouveaux modèles, capables de «raisonner». ChatGPT, Claude (Anthropic) et d'autres chatbots peuvent désormais prendre plus de temps pour répondre aux requêtes, et fournir des résultats de plus haute qualité, avec les étapes de leur raisonnement. Ils ont aussi gagné en autonomie: ils naviguent sur internet, passent commande en ligne, etc.
Les assistants IA deviennent ainsi progressivement des «agents IA». Après «l'IA agentique», «la vague de l'IA physique arrive déjà», a assuré Jensen Huang. «L'IA physique comprend le monde physique, les frictions et l'inertie», a-t-il détaillé, et va donc être à l'oeuvre dans les robots, des usines aux taxis autonomes et aux humanoïdes.
Le chiffre d'affaires a... quintuplé en 3 ans
«Chacune de ces nouvelles phases ouvre de nouvelles opportunités pour nous tous», a-t-il insisté devant plusieurs milliers de personnes, venues de l'industrie informatique mais aussi de la santé, des banques ou du divertissement. Il a annoncé un contrat avec General Motors dans le développement de véhicules autonomes et un projet d'équipements de télécommunications avec T-Mobile et Cisco Systems, pour les réseaux sans fil 6G, successeurs de l'actuelle 5G.
Ces trois dernières années, le chiffre d'affaires de Nvidia a quasiment quintuplé. Lors de son exercice annuel terminé en janvier, le groupe a doublé ses revenus sur un an à 130 milliards de dollars, dont il a dégagé près de 73 milliards de bénéfice net (+144%). Devenue la troisième capitalisation boursière mondiale, la firme règne sur les marchés financiers. Mais le coup d'éclat de DeepSeek l'a fait trébucher en janvier.
Car la start-up chinoise a mis au point son nouveau modèle R1 sans le microprocesseur vedette de Nvidia, le H100, et uniquement avec des puces moins performantes de la marque, autorisées à l'exportation en Chine. Le vent de panique a Wall Street a fait perdre plusieurs centaines de milliards de dollars de capitalisation boursière à l'entreprise américaine.
DeepSeek, le coup de pied dans la fourmillière
Pour de nombreux experts, cette interprétation négative était néanmoins une «erreur» de la part des marchés. R1 est en accès libre (open source), donc de nombreux développeurs ont pu l'essayer pour concevoir des applications, accélérant ainsi l'adoption de l'IA générative au-delà des particuliers et organisations déjà familiarisés avec la technologie.
«A mon avis, DeepSeek a radicalement amplifié le désir de se servir des modèles» doués de raison, analyse Ben Van Roo, cofondateur de Yurts, qui met au point des infrastructures d'IA pour des grandes organisations, dont le ministère américain de la Défense. L'entrepreneur est venu participer à l'une des mille conférences et tables rondes organisée par «GTC» (la conférence de Nvidia) jusqu'à vendredi.
Il voit dans l'IA une révolution industrielle équivalente à celle de l'électricité, en termes de productivité et de progrès pour l'humanité. Une vision largement répandue dans la Silicon Valley. Et pour l'analyste Dan Ives, Jensen Huang, le «parrain de l'IA» a de nouveau démontré mardi que les puces de Nvidia restent «les seules puces au monde qui font tenir debout les fondations de l'IA».