«Je dois être très honnête, brutalement honnête avec vous, l’Europe n’est pas assez forte en ce moment.» C’est en ces termes que la Première ministre finlandaise, Sanna Marin, s’est adressée au public la semaine dernière à Sydney. «Sans les Etats-Unis, nous serions actuellement en difficulté.»
Un jugement sur la politique de défense européenne que confirme l’expert militaire de l’EPFZ Alexander Bollfrass dans un entretien avec Blick. «L’Europe n’a montré ni la capacité, ni la volonté de se défendre contre les agressions russes. Pendant des décennies, les injonctions américaines à s’équiper adéquatement ont été ignorées – et maintenant nous avons un problème.»
L’année 1986 a été déclarée Année internationale de la paix par les Nations unies. C’est là que le désarmement a commencé – après des années de réarmement massif et de confrontations menaçantes entre les deux grands blocs de l’époque; les Etats-Unis et l’Union soviétique. L’euphorie et le rêve d’une Europe en paix dominaient la politique internationale. Ou pour reprendre les mots d’Alexander Bollfrass: «Depuis la fin de la guerre froide, de nombreux Européens se sont adonnés à un pacifisme fantaisiste.»
L’impuissance et l’inaction européennes peuvent être parfaitement illustrées dans le cas de l’Allemagne, selon l’expert. Outre l’habitude de ce pays à se sentir moralement supérieure et sa persistance à croire qu’il comprend Moscou mieux que le reste du monde, il est, selon Alexander Bollfrass, «assez représentatif d’un état d’Europe occidentale qui a perdu le contact avec la réalité». L’Allemagne n’est toutefois pas la seule dans cette situation. Cet état d’esprit se retrouve dans la plupart des autres pays européens, soutient l’expert.
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Le désarmement a mis l’Europe dans une situation compliquée
Au cours des vingt dernières années, les dépenses en matière de défense de l’UE n’ont augmenté que de 20%, contre 66% pour les Etats-Unis, près de 300% pour la Russie et 600% pour la Chine. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a demandé jeudi que le budget de la défense de l’Union augmente de plus de 30% pour atteindre 70 milliards d’euros d’ici 2025. Malgré la hausse des investissements dans l’armement depuis le début de la guerre en Ukraine, cela semble être un objectif ambitieux.
Selon des chiffres publiés par l’armée allemande en octobre, les munitions ne suffiraient que pour deux jours en cas d’urgence. Or, selon les directives de l’OTAN, les munitions devraient être en quantité suffisante pour au moins un mois. Pour atteindre ces normes, l’Allemagne aurait besoin à elle seule de 20 milliards d’euros. Selon Alexander Bollfrass, il était certes raisonnable de réduire entre-temps les dépenses ainsi que les stocks d’armes et de munitions et de diminuer les forces armées. Il y a eu en revanche une erreur, selon l’expert: «Le désarmement intellectuel qui a rendu les gouvernements européens incapables et peu enclins à reconnaître le danger croissant venant de Moscou.» En outre, le peuple européen serait lui aussi devenu «paresseux à la guerre».
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En Occident, la volonté des Européens à maintenir à tout prix leurs valeurs telles que les droits de l’homme, la démocratie et la souveraineté nationale est désormais à nouveau mise à l’épreuve. Le soutien des Etats-Unis est ainsi d’autant plus décisif. Car trouver une solution indépendamment des Etats-Unis, donc de l’OTAN, n’est actuellement ni possible ni nécessaire, estime l’expert militaire. «L’OTAN est le meilleur forum disponible pour que l’Europe prenne la responsabilité de sa propre sécurité, en développant et en discutant ses propres propositions et en les étayant par des investissements sérieux dans les capacités militaires.»
A cet égard, il est important d’écouter les nations d’Europe de l’Est et leurs préoccupations, selon l’expert. Car «tous les pays européens ne sont pas atteints de cet aveuglement volontaire vis-à-vis de la Russie». Alors que les Etats-Unis et l’Europe n’étaient pas suffisamment préparés, d’après lui, à mener «la plus grande guerre sur le continent depuis la Seconde Guerre mondiale», plus la frontière avec la Russie était proche, plus les pays avaient conscience de ce danger et étaient déjà préparés. Sanna Marin le reconnaît également: «Nous aurions dû écouter nos amis baltes et polonais bien plus tôt.»