Les rapporteurs de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) qui surveillent la situation en Serbie ont fait part jeudi de leur vive inquiétude à propos de l'escalade des tensions dans le pays, et notamment de la manière dont la manifestation historique de samedi a été dispersée.
«Nous sommes très inquiets de l'escalade des tensions dans le pays, qui a conduit à une manifestation d'au moins 100.000 personnes à Belgrade le samedi 15 mars. Ce fut l'une des plus importantes jamais vues en Serbie», notent dans un communiqué les rapporteurs de l'APCE, l'Allemand Axel Schäfer et la Suédoise Victoria Tiblom. La manifestation, très largement pacifique, a rassemblé plus de 300'000 personnes selon un organisme de comptage indépendant.
«Eviter l'usage de la force»
Elle a été perturbée en plein milieu de 15 minutes de silence par un mouvement de panique causé par un bruit indéterminé, qu'une partie des manifestants et de l'opposition attribue à l'utilisation par les forces de l'ordre d'un canon à son – un dispositif militaire utilisé pour disperser les foules. Ce que nie le gouvernement.
Les rapporteurs de l'APCE font état de «dizaines de personnes» qui ont dû être soignées suite à cette bousculade et appellent «les autorités à faire la lumière» sur ces allégations. «A la lumière de notre précédente déclaration du 20 février, nous appelons de nouveau toutes les parties à engager un dialogue constructif et inclusif, et nous demandons aux autorités serbes de prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre aux demandes légitimes des manifestants et éviter l'usage de la violence», poursuit le communiqué de l'APCE.
Colère dans le pays
La représentation serbe au sein du Conseil de l'Europe a immédiatement réagi en fustigeant un rapport qui «échoue à offrir une vision équitable et objective de la situation en Serbie». «La Serbie nie fermement les accusations d'utilisation d'armes illégales, y compris les soi-disant 'canons sonores', et a agi conformément aux principes démocratiques et à l'État de droit», selon un communiqué.
Le mouvement, qui secoue la Serbie comme rarement depuis les années 1990, est né de l'accident de la gare de Novi Sad le 1er novembre, qui a fait 15 morts lorsque s'est écroulé l'auvent en béton du bâtiment tout juste rénové.
La colère a explosé, une partie des Serbes voyant dans cet accident le reflet d'une corruption qui, selon eux, entache la vie quotidienne, les institutions et les travaux publics. De semaine en semaine, le mouvement s'est étendu, avec des manifestations quotidiennes demandant des comptes aux responsables de l'accident, la libération des manifestants arrêtés, mais aussi un système moins corrompu.
Gouvernement de transition demandé
Jeudi, de nombreux partis d'opposition serbe ont appelé à la formation d'un gouvernement de transition chargé de préparer la tenue d'élections libres. Ce gouvernement composé d'experts nommés par des représentants de tous les partis parlementaires et partenaires sociaux «est la seule solution pour surmonter la crise», a déclaré le député d'opposition Miroslav Aleksic.
L'ancienne Première ministre et présidente du Parlement, Ana Brnabic (SNS, droite nationaliste au pouvoir), a immédiatement rejeté l'idée, selon elle «une tentative de s'emparer du pouvoir sans élections». Le Conseil de l'Europe, vigie des droits humains et de la démocratie sur le continent, rassemble 46 pays membres. La Serbie y a adhéré le 3 avril 2003.