Le soulagement règne en Syrie: il y a une semaine, le groupe rebelle islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) a renversé le dictateur syrien Bachar al-Assad et pris le pouvoir. Depuis, l'espoir de voir les choses s'améliorer en Syrie grandit. L'objectif est de parvenir à un gouvernement tolérant, libéral et démocratique, et ce, avec des islamistes au pouvoir. C'est du moins ce que vend le HTS.
Mais Bachar al-Assad n'est pas le premier dictateur à être renversé dans le monde arabe. En 2011, Mouammar Kadhafi est tombé à la suite d'un coup d'Etat militaire, et en 2003, les Etats-Unis ont renversé le dirigeant irakien Saddam Hussein. Et l'histoire le montre: après l'espoir vient la grande déception. La Syrie risque-t-elle de connaître le même sort que l'Irak et la Libye?
La chute d'un dictateur n'apporte pas toujours un soulagement
Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, de nombreux groupes armés se disputent le pouvoir et les ressources en Libye, et de nouveaux conflits pourraient éclater à tout moment. De même, la chute de Saddam Hussein en 2003 en Irak a entraîné des divisions sociales et des rivalités politiques, notamment entre chiites et sunnites. Les réformes stagnent et l'avenir du pays reste incertain. Le constat que l'on peut retenir de l'histoire passée est que lorsque les dictateurs tombent, la vie ne s'améliore que rarement pour la population.
La Syrie doit-elle donc elle aussi se préparer à un tel scénario? Ali Sonay, expert du Moyen-Orient à l'Université de Berne, explique dans un entretien avec Blick: «Ce que nous voyons actuellement en Syrie est différent. Il semble que certaines leçons aient été tirées des situations en Irak et en Libye.» Selon Ali Sonay, le transfert effectif du pouvoir a eu lieu de manière plus ordonnée que dans les exemples précédents: le Premier ministre de Bachar al-Assad a officiellement remis le gouvernement au HTS.
Cela contraste nettement avec le changement de pouvoir en Irak. A l'époque, tous ceux qui appartenaient à l'ancien régime y avaient été littéralement éjectés. L'expert Ali Sonay remarque: «En Syrie, on essaie actuellement d'intégrer des éléments de l'ancien régime.» Ce processus doit permettre de prévenir les conflits entre les partisans de l'ancien et du nouveau gouvernement.
Le HTS gouvernera-t-il de manière tolérante et libérale?
Ali Sonay évoque également la promesse du HTS d'être plus inclusif et tolérant que le gouvernement Assad. La Syrie se caractérise par une multitude de religions et d'ethnies. De nombreuses minorités ont été opprimées sous le règne d'Assad, y compris la population kurde dans le nord du pays. Cela doit désormais cesser. «C'est un sujet qui, je pense, sera encore très important et auquel les nouveaux dirigeants en Syrie devraient faire attention afin que ce processus soit aussi inclusif que possible.» Jusqu'à présent, cela semble toutefois bien fonctionner: ces derniers jours, des vidéos de chrétiens vivant leur foi dans des rues et de jeunes femmes sans foulard en public sont apparues sur les réseaux sociaux.
Mais cela restera-t-il ainsi, le HTS islamiste tiendra-t-il ses promesses ou n'est-il qu'un loup déguisé en mouton? Car ici aussi, l'histoire montre une tout autre image: lorsque les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan il y a trois ans, ils ont, eux aussi, promis la libéralisation sous forme de droits des femmes et de liberté de la presse. Trois ans après leur prise de pouvoir, il est clair qu'il n'en est rien. Bien au contraire, puisque la population afghane souffre de la domination répressive des talibans.
Ali Sonay estime prudemment à ce sujet: «Il y a en effet une possibilité que la Syrie évolue vers une démocratie.» Jusqu'à début mars 2025, Mohammed al-Bashir du HTS devrait gouverner par intérim en tant que Premier ministre de la Syrie. Ce qui se passera ensuite reste ouvert. «Il faudra désormais voir comment ce gouvernement provisoire gouvernera et quel sera le plan pour l'après. On ne peut pas prédire pour le moment si la Syrie connaîtra le même sort que la Libye ou l'Irak, les conditions de départ sont différentes.»