«Ma maison est détruite, mais pas moi»
Chassé par les troupes d'Assad, le Syrien Ahmed Al Brad rentre dans sa ville natale

Ahmed Al Brad travaille comme bénévole pour l'organisation humanitaire suisse For Children Smile à Idlib. Dimanche, les rebelles ont conquis sa ville natale de Homs en Syrie. Il rentre enfin chez lui et raconte son voyage à Blick.
Publié: 12.12.2024 à 16:31 heures
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Dernière mise à jour: 12.12.2024 à 16:56 heures
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Le Syrien Ahmed Al Brad raconte sa vie en Syrie.
Photo: zVg
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Qendresa Llugiqi et Helena Graf

Lorsque j'ai appris que les troupes de Bachar al-Assad s'étaient retirées, j'ai pris la voiture avec ma femme et ma fille. Nous sommes partis pour Homs, la ville de mon enfance, de ma jeunesse. La ville que ma fille ne connaît qu'à travers des photos, parce que j'ai fui en 2012, pour échapper aux attaques de l'armée syrienne. Nous avions peur que les troupes d'Assad reviennent. Je voulais donc profiter de cette occasion pour voir la ville une dernière fois.

C'était juste avant le lever du soleil, le dimanche matin 8 décembre. L'opposition, menée par le Haiat Tahrir al-Cham (HTS), venait de conquérir Homs, la troisième ville de Syrie. Mais avec nous, des milliers de personnes déplacées sont déjà rentrées. Des cris de joie ont envahi les rues des quartiers détruits. Ma joie s'est mêlée à la tristesse tandis que je passais devant les maisons fantômes.

Les partisans d'Assad ont peur

Nous sommes arrivés dans un quartier où vivent les partisans du président Assad. Ils appartiennent à toutes les confessions. La peur les a envahis. L'opposition assurait que personne ne leur ferait de mal. Ils ont donc, eux aussi, quitté leurs maisons pour venir faire la fête avec nous à l'extérieur.

Je me suis souvenu des derniers jours, des dernières semaines. Nous vivions à Idlib, dans le nord-ouest du pays. Environ 5 millions de personnes avaient fui en Syrie, comme moi, et 6 millions d'autres s'étaient déplacées à l'étranger. Le retour à la maison nous semblait être un rêve inaccessible.

Pillages et destruction

Lorsque Alep a été conquise il y a quelques jours, l'espoir de millions de Syriens est revenu. Les centres de réfugiés se sont transformés en centres d'information. Nous suivions chaque nouvelle, chaque événement, chaque déplacement sur la carte.

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Je me tiens maintenant devant la maison de Homs où j'ai vécu. Elle est détruite, inhabitable. Et pourtant, je ne me sens pas brisé. Nous la reconstruirons, nous vivrons à nouveau dans mon pays.
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Ce qui m'a surpris, c'est que dès qu'un village était libéré par l'opposition, les personnes qui en avaient été chassées revenaient. Même si plus rien ne les attendait là-bas. Nos villes sont détruites à 60%. Ce qui n'a pas été bombardé a été pillé par les troupes d'Assad. Je me tiens maintenant devant la maison de Homs où j'ai vécu. Elle est détruite, inhabitable. Et pourtant, je ne me sens pas brisé. Nous la reconstruirons, nous vivrons à nouveau dans mon pays.

L'espoir d'une Syrie libre

L'opposition était au pouvoir à Idlib depuis des années. J'ai vu là-bas comment les rebelles ont pu établir une relation de confiance avec la population. De mon point de vue, ils veulent construire un État libre en Syrie. Ne pas mettre en place un appareil religieux, raciste ou sectaire. Ils doivent désormais prouver à la communauté internationale qu'ils sont sérieux dans leur démarche.

Le fait que certains pays comme les États-Unis ou les membres de l'Union européenne considèrent les membres de l'opposition comme des organisations terroristes, comme le HTS, me fait peur. Je crains que cela ne déclenche une nouvelle guerre civile.

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Les rebelles doivent désormais prouver à la communauté internationale qu'ils sont sérieux dans leur démarche.
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Bachar Al-Assad a investi toutes les ressources de l'État dans l'armée. Maintenant que la guerre est terminée, nous pouvons utiliser cet argent pour mettre en place des institutions et des services. Personnellement, c'est la première fois que je retrouve l'espoir: celui d'un État civil qui garantisse les droits du peuple syrien, indépendamment des appartenances et des confessions.

Ahmed Al Brad accompagnera la reporter de Blick Helena Graf en Syrie ces prochains jours. Ses articles sur place seront à lire dès vendredi.

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