Quatre ans. C’est le temps qu’il aura fallu attendre entre la saison 5 de «Black Mirror» et la sixième, tout juste sortie sur Netflix. Et pour être honnête, il n’y avait pas forcément une grande impatience.
Après une première saison fracassante, sortie en 2011, la série dystopique qui adore nous faire peur en montrant les dérives des technologies de pointe s’est révélée plutôt décevante.
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Bien sûr, il y a toujours eu des épisodes impressionnants («La Chasse» et «Blanc comme neige» en saison 2, ou le très beau «San Junipero» en saison 3), mais le concept semblait assez usé. Et la réalité, avec l’arrivée fracassante des intelligences artificielles ou le tourisme dans l’espace des ultra-riches, a même parfois semblé dépasser la fiction.
Interroger les usages de la technologie
Que vaut donc cette saison 6? Composée de six épisodes, elle semble d’abord s’inscrire dans la ligne droite des précédentes. Avec toujours au casting des têtes bien connues (Salma Hayek, Josh Hartnett, Aaron Paul) ou montantes (Annie Murphy, vue dans «Schitt’s Creek», ou Ayo Edebiri, star de «The Bear»).
Et en ligne de mire, les dangers du monde moderne, qui cavalent bien trop vite. Dans l’épisode 1, «Joan est horrible», une femme sans histoire s’aperçoit que sa vie fait l’objet d’une série en temps réelle, diffusée sur la plateforme Streamberry – une métaphore assez transparente de Netflix, qui utilise même une typographie identique.
Dans le troisième, «Mon cœur pour la vie» (le ou la responsable de ce titre en français mérite une lourde condamnation, si vous voulez mon avis), des astronautes utilisent un androïde à leur image pour rester connectés avec leur famille sur Terre, tout en accomplissant leur mission dans l’espace.
Ces deux scénarios, indéniablement les meilleurs de la saison, permettent à «Black Mirror» d’interroger nos usages de la technologie, mais aussi (et même surtout) ce qu’ils disent de nos pulsions les plus humaines.
Tous les robots du monde ne pèsent rien face à la jalousie crasse. Et nous ne prendront probablement jamais conscience de l’urgence à protéger nos données, à moins qu’elles soient littéralement exposées aux yeux de tout le monde. «Joan est horrible» se paie le luxe d’une réflexion méta sur l’importance démesurée que prennent les plateformes de streaming.
Difficile de se laisser surprendre
La mise en abyme se poursuit d’ailleurs avec le second épisode, «Loch Henry», sur deux jeunes étudiants en cinéma qui décident de tourner un documentaire dans la ville natale de l’un d’entre eux. La bourgade ayant été au centre de l’attention médiatique, quelques années auparavant, après l’interpellation d’un tueur sanguinaire, le sujet est tout trouvé. Et «Black Mirror» égratigne alors notre propension à la fascination pour les «true crime».
Le plus surprenant, cependant, est qu’aucune technologie n’intervient dans un épisode qui embrasse purement et simplement le genre du thriller horrifique. C’est même carrément l’inverse: la machine s’emballe lorsque les apprentis documentaristes décident de tourner avec une vieille caméra sur VHS.
C’est que «Black Mirror», ayant peut-être compris que la dystopie était arrivée en bout de course, décide de proposer autre chose. De l’horreur donc, mais aussi du fantastique. Les deux derniers épisodes de la saison, «Mazey Day» et «Démons 79», convoquent monstres et créatures imaginaires.
Il y a de quoi dérouter les fans, mais pas forcément séduire de nouveaux spectateurs. La faute à des épisodes souvent trop longs, mais surtout cousus de fil blanc.
«Black Mirror» était devenue culte précisément parce qu’elle reposait sur des twists inattendus et horriblement flippants, qui donnaient l’impression d’avoir reçu un uppercut.
Cette fois, le binge-watching est toujours tentant, principalement grâce aux qualités des interprètes, mais il est difficile de se laisser prendre par surprise.