Alexeï Navalny avait survécu à un empoisonnement et à la prison en Russie. Puis il a été transféré dans la colonie pénitentiaire IK-3 à Kharp, aussi appelée le «Loup polaire» puisqu'elle est près du cercle polaire.
Deux mois après son transfert, l'opposant à Poutine est mort subitement. L'annonce a suscité l'effroi dans le monde entier il y a une semaine et demie. Les circonstances du décès restent, à ce jour, toujours floues.
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Les gardiens torturent les prisonniers
Selon les proches de Navalny, le certificat de décès fait référence à une cause de mort «naturelle» – ce que les partisans de l'homme politique rejettent. Son équipe a appelé vendredi les policiers, les militaires et les membres des services de sécurité à leur communiquer toute information sur le «meurtre». En échange, ils promettent «une récompense de 20'000 euros».
Une chose est sûre: la prison du «Loup polaire» est un lieu où la survie est difficile, et où les conditions seraient brutales. Il y fait un froid glacial, jusqu'à -32 degrés. Les gardiens torturent les prisonniers. Un ancien détenu raconte son séjour dans la colonie: «Je me souviens que je devais me promener dehors habillé seulement d'un T-shirt. C'était cruel.»
Selon le témoin, personne ne tente de s'échapper. Ce n'est pas étonnant: d'un côté, il y a des centaines de kilomètres de toundra. De l'autre, les montagnes de l'Oural polaire. N'importe quel fuyard s'enfuirait vers une mort certaine.
«C'est de la torture légalisée»
Au début de l'année, Alexeï Navalny avait parlé de ces promenades glaciales sur le ton de l'humour. «Aujourd'hui, je me suis promené, j'ai eu froid et j'ai pensé à Leonardo DiCaprio et au cheval mort dans le film 'The Revenant'», écrivait-il le 9 janvier. Dans le film, l'acteur se glisse dans une carcasse d'animal encore chaude pour ne pas mourir de froid. Le critique de Poutine essayait apparemment de ne pas laisser paraître son agonie lors de son séjour au «Loup polaire».
Car le froid n'est pas la seule torture qu'utilisent les gardiens: les détenus seraient régulièrement frappés et soumis à des chocs électriques. En plus de cela, «les détenus ne reçoivent presque rien à manger. La faim est utilisée à des fins de torture», a déclaré sur la chaîne allemande ARD Irina Lazarevna Scherbakova, la lauréate russe du prix Nobel de la paix et cofondatrice de l'organisation de défense des droits de l'homme Memorial.
Lorsque Navalny recevait un peu d'eau à boire, elle était bouillante. Un avocat, qui souhaite rester anonyme, déclare au «Sun»: «Les conditions y sont extrêmement dures. C'est essentiellement de la torture légalisée.»
Un autre condamné a, pour sa part, raconté comment les nouveaux arrivants étaient «accueillis»: «Lorsque les détenus entrent dans la colonie, ils sont emmenés dans la salle de bain commune. Si une personne se déshabille et veut se laver, l'eau est coupée et des personnes masquées entrent et commencent à la frapper.» Selon l'ex-détenu, une quinzaine de personnes – des prisonniers comme des gardiens – l'auraient frappé pendant une demi-heure.
Celui qui se plaint est mis en cage
Le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, qui a été détenu dans une colonie voisine, confirme cet enfer: «A la seconde où tu franchis le seuil de la prison, ils te font comprendre que tu es arrivé au purgatoire. On n'a plus de droits. Ça ne sert à rien de se plaindre.» Celui qui enfreint les règles ou tente de se défendre contre les mauvais traitements est enfermé dans une cage et y reste prisonnier toute la nuit.
La nuit, justement, il fait encore plus froid. Tous les détenus n'y survivent pas. Si l'un d'eux meurt, les gardiens emmènent le corps à l'infirmerie en prétendant qu'il s'agit d'une mort naturelle, comme un arrêt cardiaque pendant le sommeil, d'après d'anciens détenus. Une fois l'hiver et les températures glaciales passés, les moustiques et les poux envahissent le camp.
«Je suis russe» dans les haut-parleurs
Malgré les conditions difficiles, Navalny se moquait régulièrement dans ses articles des routines mises en place dans cette prison. Le 22 janvier, il racontait que les prisonniers étaient réveillés chaque matin à 05h00 par l'hymne national russe.
La deuxième chanson abordée serait «Ya russkiy» (en français: je suis russe) de Shaman, artiste fidèle au Kremlin. La dernière fois que le critique du Kremlin s'est exprimé, c'était le jour de la Saint-Valentin, avec une déclaration d'amour à sa femme Ioulia Navalnaïa. Peu après, l'annonce de son décès a suivi.