Cori Bush n’est pas de celles qui laissent ses concitoyens sur le carreau. Assise devant le Capitole, elle a attendu des heures durant pour défendre ses principes: elle s'est battue jusqu’au bout pour que des locataires ne se retrouvent pas sans-abri.
Depuis une bataille politique ayant lieu au Congrès américain au sujet d'un moratoire sur les expulsions de locataires, onze millions de personnes étaient menacées. Le délai a lamentablement expiré dans la nuit du samedi 31 juillet au dimanche 1er août.
Rembobinons. En juin, la Cour suprême des États-Unis, la plus haute juridiction du pays, s’est prononcée contre une prolongation sur un moratoire sur les expulsions de locataires.
Ce décret du Centre américains du contrôle des maladies (CDC) était censé sauver de l’expulsion pendant la pandémie les locataires qui ne sont pas en mesure de payer leur loyer. Il s’agissait donc d’une sorte de trêve pour éviter la panique sociale.
Mais à cause de cette expiration, onze millions de personnes aux États-Unis pourraient être mises à la rue dès le mois d’août, sans que le gouvernement ou le Congrès ne lèvent le petit doigt.
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Onze millions de personnes menacées d’expulsion
Ce n’est que deux jours avant l’échéance que la question a été remise à l’ordre du jour. Les membres du Congrès à Washington en ont discuté, mais ne sont pas parvenus à un accord. Ils ont alors entamé leurs vacances d’été, qui durera un mois, vendredi soir.
Sauf Cori Bush.
«Certains de mes collègues démocrates ont décidé de partir en vacances plus tôt aujourd’hui. Au lieu de rester pour voter, pour que les gens puissent garder leur logement», a tweeté la députée du Missouri, qui ne siège à la Chambre des représentants que depuis cette année. Elle a ajouté: «Je vais dormir devant le Capitole ce soir. Nous avons encore beaucoup de travail à faire.»
Camp de protestation avec interdiction de dormir
Et Cori Bush a tenu sa parole. Des collègues du parti et des visiteurs l’ont rejointe – seul le sommeil effectif n’était pas autorisé, qui aurait permis à la police du Capitole de mettre fin au camp de protestation. La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, est passée, tout comme le chef de la majorité au Sénat, Chuck Schumer, et la vice-présidente, Kamala Harris.
Parmi les autres supporters célèbres se trouvait aussi l’icône démocrate Alexandria Ocasio-Cortez. Elle s’est assise sur les marches du Capitole pendant des heures, lundi soir. Les participants ont pu entendre «AOC» raconter ses débuts à Washington, lorsqu’elle était complètement fauchée et incapable de payer le loyer d’un appartement.
Pour Alexandria Ocasio-Cortez aussi, la lutte pour un moratoire sur les expulsions est une question personnelle. Mais pas autant que pour Cori Bush.
Avant d’entrer au Congrès, la députée a elle-même été expulsée plusieurs fois. «Je sais ce que c’est que d’être expulsé: j’ai moi-même dû vivre dans ma voiture avec mes deux bébés», raconte la mère de deux enfants et infirmière de formation lors d’une interview samedi. «Je ne vais pas taire ce sujet, même en tant que députée.»
A trois reprises, elle s’est retrouvée sans appartement. À 20 ans, son propriétaire la met à la porte après une violente bagarre avec son petit ami. À 29 ans, elle n’est plus en mesure de payer son loyer pendant sa formation d’infirmière. Et plus récemment, en 2015, elle se fait mettre à la porte après être devenue politiquement active.
Les expulsions à nouveau suspendues
Après cinq jours, Joe Biden cède. Jusqu’en octobre, les expulsions sont suspendues dans toutes les régions du pays où les taux d’infection au coronavirus augmentent rapidement. Cette trêve a donc des raisons sanitaires.
Le soulagement et l’émotion: ces sentiments se lisent sur le visage de Cori Bush. «Aujourd’hui, nous avons déplacé des montagnes», a-t-elle tweeté avec joie.
C’est pour l’instant la plus grande victoire de la carrière de la congressiste,. Elle a été médiatisée pour la première fois suite aux violences policières lors des émeutes de 2014 à Ferguson, dans le Missouri.
Lors des élections de mi-mandat de l’année prochaine, elle devra défendre son siège à la Chambre des représentants. Mais cette fois-ci, ce ne sera plus une nouvelle venue, mais une grande élue nationale.