Lorsque la Russie a envahi son voisin le 24 février, la plupart des observateurs politiques ont prédit que l'Ukraine serait conquise en quelques jours seulement. Mais il en a été autrement. Depuis cinq mois déjà, les combats se poursuivent sans relâche.
La question que tout le monde se pose est aujourd'hui la suivante: combien de temps cette guerre peut-t-elle encore durer? Pour l'historien britannique Niall Ferguson, la résolution du conflit n'est pas pour demain la veille.
«La guerre est d'autant plus difficile à stopper qu'elle dure depuis longtemps. Et cela devient de plus en plus difficile de semaine en semaine», déclare-t-il dans une interview avec le journal allemand «Die Welt». Car, selon lui, le temps joue en faveur de Poutine.
«Poutine a gagné du temps»
Au début, les choses ne semblaient pas si bien se présenter pour le chef du Kremlin et ses troupes. Le convoi s'est enlisé, les véhicules se sont enlisés et les premières pertes ont été lourdes. Mais voilà que les russes progressent: le Kremlin a déjà conquis les parties est du pays.
«Poutine a pu gagner du temps pour changer de stratégie et, au lieu de conquérir Kiev et d'occuper toute l'Ukraine, il s'est concentré sur le Donbass», explique Niall Ferguson. Une manœuvre habile de la part de Poutine: la conquête de l'ensemble du Donbass et du sud-est de l'Ukraine semble de plus en plus probable.
Selon l'historien, même les livraisons d'armes en provenance de l'Occident – en premier lieu des Etats-Unis – n'y pourront rien faire: «Poutine sait aussi que l'unité occidentale pour la défense de l'Ukraine a une date d'expiration.» Il est toutefois étonnant que la Russie ne souffre presque pas de la situation actuelle, malgré un nombre record de sanctions.
«Joe Biden n'a rien fait»
Pour l'expert, la raison du relatif succès russe est claire: «Tant que la Russie pourra vendre du pétrole et du gaz, le rouble restera fort et la Russie survivra». De même, les sanctions ne pousseraient guère Poutine à se retirer d'Ukraine. L'Écossais d'origine en est convaincu.
Si les Russes ont eu le temps de changer de stratégie, ce serait, selon l'académicien, en grande partie grâce au président américain Joe Biden. «Le gouvernement de Joe Biden n'a rien fait pour mettre fin à cette guerre à temps.» Selon lui, les Etats-Unis ont manqué le coche.
Au lieu d'agir concrètement, «Joe Biden s'est rendu à Varsovie, a traité Poutine de criminel de guerre et a simplement appelé à sa chute», poursuit Niall Ferguson. Résultat positif? Aucun. Au contraire: le blocus alimentaire russe a entraîné une forte inflation en Occident. Les produits de première nécessité comme la nourriture deviennent soudainement plus chères. Et cela aussi au grand désavantage de l'Ukraine. Et, en plus, «à l'automne, la détermination de l'Occident à soutenir la guerre va diminuer», prédit l'expert.
Nous sommes-nous Trump-és?
Selon Niall Ferguson, la question de savoir comment la guerre se serait déroulée si Donald Trump avait été aux commandes en tant que président des Etats-Unis est fascinante. Rien d'étonnant à cela: l'historien britannique est un conservateur de droite – il a déjà tenu des propos élogieux sur Trump par le passé. Son jugement à l'égard de Biden est donc forcément biaisé.
«On sait que Joe Biden a cessé de soutenir militairement l'Ukraine au cours des dernières années. Il a levé les sanctions contre le gazoduc russe Nordstream 2 et s'est retiré d'Afghanistan. De plus, il a dit à Poutine qu'en cas d'attaque, ce dernier n'aurait qu'à s'attendre à des sanctions, résume Niall Ferguson. L'étendue de l'incompétence de son administration est effrayante.»
Selon lui, Trump a bien moins nui à l'alliance entre les Etats-Unis, l'Europe et l'OTAN que ne le fait actuellement Biden. «Lorsque Trump a été élu, tout le monde craignait qu'il ne supprime l'OTAN. L'a-t-il fait? Non.» Selon lui, l'ex-président a simplement critiqué les pays de l'OTAN, notamment l'Allemagne, pour ne pas avoir investi davantage dans leur défense et s'être rendus dépendants du gaz de Poutine.
Pour Niall Ferguson, il n'est donc pas exclu qu'avec Trump à la Maison Blanche, les choses auraient été différentes. «Vladimir, si tu fais ça, nous allons frapper à Moscou», aurait menacé Trump il y a quelques années, lors d'une conversation téléphonique avec le chef du Kremlin. «Il n'est pas exclu que Poutine n'aurait pas envahi l'Ukraine en cas de réélection de Trump», embraye l'historien conservateur.