La deuxième en cinq mois
Grève générale en Argentine contre un Milei imperturbable

Un jour au ralenti mais pas à l'arrêt. L'Argentine vit jeudi sa deuxième grève générale en à peine cinq mois de gouvernement Javier Milei, signe que la rue hausse sensiblement le ton face au président ultralibéral.
Publié: 09.05.2024 à 22:32 heures
Ni trains, ni métro, peu de bus, écoles et banques fermées... la capitale Buenos Aires sonnait creux jeudi, sans une bonne partie des 3 millions de personnes qui y transitent chaque jour.
Photo: JUAN IGNACIO RONCORONI

Ni trains, ni métro, peu de bus, écoles et banques fermées... la capitale Buenos Aires sonnait creux jeudi, sans une bonne partie des 3 millions de personnes qui y transitent chaque jour. Mais pour autant avec un grand nombre de commerces et restaurants ouverts, et une circulation aux airs de week-end ou de jour férié... qui ne l'était pas en Argentine en ce jour d'Ascension. Quelque 400 vols ont été annulés, affectant 70'000 passagers, selon l'Association latinoaméricaine du transport aérien. Mais les compagnies low cost opéraient depuis l'aéroport de Buenos Aires.

«La grève n'a pas de force», a clamé la ministre de la Sécurité Patricia Bullrich, qui a dénoncé des caillassage de bus qui circulaient, un «aveu de faiblesse» selon elle. Son homologue des Transports a lui affirmé que le service public des transports fonctionnait à 40%. La grève «contre un ajustement brutal, en défense du droit du travail, syndical, et à un salaire digne», lancée par plusieurs syndicats paraissait en tout cas bien plus suivie que celle du 24 janvier (12 heures seulement), un semi-échec raillé par le gouvernement comme la grève «la plus rapide de l'histoire», annoncée en décembre, 18 jours après l'investiture de Milei.

Milei conserve des noyaux assez solides

Cette fois encore, la présidence a dénoncé une grève «strictement politique» par des syndicats qui vont «à l'encontre de ce que les gens ont voté il y a cinq mois». «Ce gouvernement a eu plus de grèves que de réformes, c'est assez extravagant», a ironisé le porte-parole présidentiel. Mais l'impact politique devrait s'avérer moindre que les grandes marches pour la défense de l'université du 24 avril (un million de manifestants à travers le pays), plus forte mobilisation hostile à Milei à ce jour, et «une leçon pour lui : la première fois qu'il a heurté un mur dans l'opinion publique, car ce qui était en jeu était un bien collectif, transversal», estime le politologue Gabriel Vommaro.

Mais «pour cette raison, cela ne doit pas être surinterprété», s'empresse d'ajouter l'analyste à l'AFP. Car, élu comme «homme providentiel arrivé pour résoudre des problèmes que les élites d'avant avaient laissé traîner», Milei «conserve dans l'opinion des noyaux de soutien indemnes, ou du moins assez solides». De fait, malgré une légère inflexion en avril, plusieurs sondages récents voient Milei osciller entre 45 et 50% d'image positive -- il avait été élu avec 56%.

Une forme de stabilité spectaculaire pour un gouvernant qui a infligé en peu de mois, entre dévaluation, prix libérés, dépenses et aides publiques «tronçonnées», «l'ajustement le plus grand de l'histoire de l'humanité», comme l'anarcho-capitaliste aime à rappeler. En plus, le corrosif Milei, «sans pour autant changer sa personnalité et son discours agressif», est en train de vivre «un apprentissage politique», considère Rosendo Fraga, politologue de l'Académie des sciences morales et politiques.

A ce titre, l'adoption fin avril (du moins à la Chambre basse) de son train de réformes dérégulatrices, un projet amendé, rétréci, raboté, est «importante» : elle montre un Milei «plus flexible dans la pratique, assouplissant l'idéologie», et qui «peut articuler une coalition pour gouverner, malgré sa faible force» de 37 députés sur 257.

(ATS)

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