Les avions de combat russes survolent l’Ukraine à une fréquence élevée, larguant leurs missiles, tuant des soldats, des civils et détruisant les villes. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, demande pratiquement chaque jour l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne.
Dimanche, il a tenté de convaincre ses alliés occidentaux dans son allocution vidéo quotidienne en remettant en question leur propre sécurité. «Si vous ne fermez pas notre ciel, ce n’est qu’une question de temps avant que des missiles russes ne tombent sur votre territoire, sur le territoire de l’OTAN et sur les maisons des citoyens de l’OTAN», a-t-il déclaré
Mais jusqu’à présent, rien n’indique que l’OTAN cédera à cette demande. Blick en explique les raisons et répond aux principales questions que pose cette zone d'exclusion.
Qu’est-ce qu’une zone d’exclusion aérienne?
Elle sert principalement à protéger un territoire lors d'un conflit. Si une zone d'exclusion aérienne est promulguée, tous les aéronefs sont interdits, des avions aux hélicoptères en passant par les drones et les missiles. Des exceptions peuvent être faites à des fins humanitaires. Dans le cas de l'Ukraine, cela signifierait tout simplement que les forces aériennes russes ne pourraient plus utiliser l’espace aérien ukrainien.
L’Ukraine étant trop faible militairement pour imposer cela à son voisin russe, l’OTAN pourrait apporter son aide. Elle stationnerait une partie de ses avions de combat et de ses forces de défense aérienne en Ukraine et interviendrait si l’interdiction n’était pas respectée.
Lorsqu’un aéronef pénètre dans une zone d’exclusion aérienne, le contact est d’abord établi avec le pilote par radio et celui-ci est invité à faire demi-tour. Si celui-ci ignore l’avertissement, l’avion peut être abattu.
Pourquoi l’OTAN refuse-t-elle d’instaurer une zone d’exclusion aérienne en Ukraine?
Parce qu’elle craint probablement un conflit plus généralisé. Pour pouvoir mettre en place une zone d’exclusion aérienne, il faudrait d’abord obtenir la souveraineté aérienne, explique Niklas Masuhr, expert en sécurité de l’EPFZ. Autrement dit: l’OTAN devrait vaincre les avions militaires russes en Ukraine, et détruire la défense antiaérienne russe.
L'expert précise: «Comme la Russie a déjà menacé l’Occident avec des armes nucléaires avant et pendant l’invasion de l’Ukraine, nous en serions sans doute rapidement au point où une escalade nucléaire représenterait un réel danger».
La Russie pourrait-elle se défendre contre la prise de son espace aérien par l’OTAN?
La capacité de la Russie à contrer les avions de l'OTAN est peu claire. Elle en a théoriquement les moyens techniques: «Moscou a déployé des systèmes de défense aériens modernes (composés de radars et de batteries de missiles) à Kaliningrad et en Biélorussie. Ces systèmes se trouvent dans des points stratégiques, aux abords de potentielles opérations aériennes menées par l’OTAN, qui pourraient empiéter sur l’espace aérien ukrainien», explique encore Niklas Masuhr. Selon lui, la Russie pourrait par exemple tirer depuis Kaliningrad sur les bases aériennes de l’OTAN en Pologne, dans les pays baltes, en Allemagne et même au-delà. L'efficacité effective de sa défense aérienne face aux forces de l'OTAN n'est que spéculation.
Une zone d’exclusion aérienne aiderait-elle beaucoup l'Ukraine?
Pour Niklas Masuhr, l'impact d'une telle mesure pour les civils serait peu significatif: «La puissance de feu de la Russie est particulièrement forte au sol. La population civile ne serait que partiellement protégée. Même en supposant qu’une zone d’exclusion aérienne puisse effectivement être parfaitement mise en œuvre, la population ukrainienne ne serait pas protégée des missiles balistiques, des missiles de croisière et des tirs d’artillerie».
Qui peut mettre en place une zone d’exclusion aérienne?
Du point de vue du droit international, une telle zone d’interdiction constitue une atteinte grave à la souveraineté d’un État. Seul le Conseil de sécurité de l’ONU peut donc la décréter.
Toutefois, la Russie dispose d’un siège permanent au Conseil de sécurité et donc d’un droit de veto en cas de vote. Les zones d’exclusion aérienne sont controversées en droit international. De nombreux juristes déplorent généralement le manque de moyens juridiques pour la mise en place de telles zones de protection.
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Si l’OTAN prenait cette mesure, la Nato Response Force (NRF) entrerait en jeu. Il s'agit d'une force spéciales, qui se compose de forces terrestres, aériennes et maritimes. Elle est très rapidement opérationnelle. Avant même le début de la guerre, l’OTAN avait déjà rapproché certaines troupes de la zone de crise afin de pouvoir intervenir si nécessaire.
Y a-t-il déjà eu des zones d’exclusion aérienne par le passé?
Oui, cette mesure a été utilisé trois fois jusqu’à présent. En 1991, en Irak, des avions britanniques et américains ont protégé les Kurdes et les chiites contre le président irakien de l’époque, Saddam Hussein (1937-2006). En octobre 1992, le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé d’interdire les vols militaires au-dessus de la Bosnie-Herzégovine. L’armée serbe a ignoré cette interdiction à plusieurs reprises jusqu’à ce que, début 1994, quatre de ses avions à réaction soient abattus par des avions de combat de l’OTAN lors d’une attaque en Bosnie. Par la suite, les avions de l’OTAN ont mené plusieurs attaques contre l’ennemi serbe. En mars 2011, le Conseil de sécurité de l’ONU a également décidé d’instaurer une zone d’exclusion aérienne en Libye afin d'arrêter le dirigeant Mouammar Kadhafi (1942-2011).
Il existe un autre cas qui reste aujourd’hui encore un exemple des conséquences négatives que peuvent apporter des zones d'exclusion aérienne. En 1999, l’OTAN a défendu l’espace aérien au-dessus du Kosovo, alors province yougoslave sécessionniste à l'époque. Mais elle n’avait pas de mandat de l’ONU l'autorisant à le faire. La Serbie a alors utilisé les attaques aériennes de l’OTAN comme prétexte pour renforcer le nettoyage ethnique des Albanais du Kosovo. Ce triste exemple montre qu'il ne suffit pas de prendre une telle mesure pour protéger un peuple et régler un conflit.
(Adaptation par Thibault Gilgen)