Le 4 février dernier, la Chine ouvrait en grande pompe ses Jeux olympiques et son président, Xi Jinping, rencontrait son homologue russe Vladimir Poutine.
Les deux dirigeants, dont c’était la première rencontre depuis le début du Covid, semblaient alors faire preuve d’unité et soulignaient leur amitié et leurs valeurs communes en déclarant un «partenariat sans frontières».
La Chine était au courant
Ce jour-là, des dizaines de milliers de soldats russes se trouvaient déjà à la frontière ukrainienne. Le monde occidental, qui avait partiellement boycotté — diplomatiquement du moins — les Jeux olympiques, était plutôt occupé à discuter au sujet des conditions des droits de l’homme en Chine.
Selon le «New York Times», Xi Jinping, au courant ou soupçonnant fortement une attaque russe, aurait demandé à Poutine d’attendre la fin des Jeux olympiques pour lancer l’invasion. Vingt jours plus tard, les chars russes déferlaient sur le territoire ukrainien.
Pékin ne veut pas se mouiller
En Occident, l’invasion russe a créé une onde de choc et les sanctions ont plu sur la Russie. La Chine, elle, souffle le chaud et le froid sur ce conflit situé bien en-dehors de sa sphère d’influence. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Empire du Milieu est resté relativement silencieux. Son objectif principal? Évoquer un minimum que possible le conflit. La télévision nationale chinoise, par exemple, ignore en grande partie la guerre et certaines informations sur les réseaux sociaux sont censurées.
Cependant, Pékin a déclaré — bien que timidement — que l’intégrité territoriale et la souveraineté des pays impliqués ne devaient pas être menacées, tout en assénant que les inquiétudes de la Russie en matière de sécurité sont justifiées. Comprendre: la Russie est bien coupable d’avoir attaqué l’Ukraine, mais l’extension de l’OTAN à ses portes n’y est pas étrangère. Malgré ces déclarations en demi-teinte, aucune condamnation en bonne et due forme n’a suivi. À l’ONU, lors du vote d’une résolution condamnant l’invasion, elle a préféré s’abstenir.
Sous pression occidentale
Il n’empêche, en refusant de se positionner clairement contre la Russie, la Chine s'est mise sous pression de la part des observateurs occidentaux. Cela d’autant plus que Vladimir Poutine, en difficulté, aurait demandé de lui fournir une aide militaire et économique, mettant Pékin dans une situation inconfortable.
Comme le rapportent en effet notamment le «New York Times» et le «Financial Times», Vladimir Poutine aurait sollicité à la Chine de l’équipement militaire ainsi qu’une aide financière pour atténuer les sanctions économiques occidentales, ce que Pékin dément. Réagissant à ces informations, un porte-parole de l’ambassade de Chine à Washington a fermement répondu: «Je n’ai jamais entendu parler de tout cela!» On peine à le croire.
Une réunion cruciale à Rome
Plusieurs sources au sein du gouvernement américain confirment que Washington a prévu de faire monter la pression sur Pékin, notamment diplomatiquement. Lundi, une délégation américaine de haut niveau doit rencontrer un haut fonctionnaire chinois à Rome.
Y prendront notamment part le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis Jake Sullivan et le chef de la diplomatie du Parti communiste chinois Yang Jiechi. Selon un porte-parole américain, ils «discuteront des efforts en cours pour gérer la concurrence entre nos deux pays et aborderont l’impact de la guerre russo-ukrainienne sur la sécurité régionale et mondiale».
Le but informel pour les Américains? Forcer la Chine à se distancier de Poutine pour éviter l’envoi d’armes ou le contournement des sanctions américaines et européennes. Quant à Jake Sullivan et Yang Jiechi, ils se sont déjà rencontrés. C’était en octobre dernier… à Zurich.
«Le contournement des sanctions aura des conséquences»
Ce n’est pas la première fois que les autorités chinoises refusent de se mettre la Russie à dos. Les officiels chinois ont plusieurs fois parlé d’une amitié «solide comme un roc» avec Moscou. En outre, la Chine a critiqué à plusieurs reprises l’élargissement de l’OTAN dans l’est de l’Europe. Dans le même temps, Pékin s’est présenté plusieurs fois comme prêt à jouer les médiateurs.
Dimanche, Jake Sullivan a déclaré sur le plateau de CNN que les États-Unis «surveillaient de près» le soutien chinois aux Russes. «Nous sommes inquiets à ce sujet et nous avons fait savoir à Pékin que nous ne resterons pas les bras croisés s’ils essaient d’aider à Russie à contourner les sanctions économiques», a-t-il déclaré.
Jake Sullivan a expliqué qu’il ne voulait pas non plus proférer de menaces contre le rival chinois. «Mais nous tenons à garder la Chine informée que le contournement des sanctions à grande échelle aura des conséquences.»
(Adaptation par Alexandre Cudré)