La défense, nouvelle priorité
Une armée européenne? Tout le monde en parle, or elle existe déjà

Depuis les propos de Donald Trump sur l'OTAN, tous les alliés européens des États-Unis se réveillent. Mais voilà, la vérité est qu'ils ont déjà une armée commune avec l'Alliance.
Publié: 15.02.2024 à 20:32 heures
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La France est l'une des premières armées européennes. Elle a rejoint le commandement intégré de l'OTAN en 2009
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

L’armée européenne existe. Elle a son quartier général à Bruxelles. Elle dispose de bases, d’une force de réaction rapide, d’unités déployées sur son flanc et, en Roumanie et en Pologne, le long de la frontière ukrainienne. Cette armée ne porte pas de nom. Elle sera pourtant au cœur des discussions à la conférence annuelle sur la sécurité de Munich qui s’ouvre ce vendredi dans la capitale bavaroise. Car plus que jamais, la guerre en Ukraine et la prochaine élection présidentielle américaine posent la même question: et si l’OTAN, demain, devenait l’armature d’une force européenne moins liée aux États-Unis?

Cette interrogation n’est pas triviale. A Munich, la vice-présidente américaine Kamala Harris et le secrétaire d’État Antony Blinken vont, au contraire, devoir y répondre. Motif: les propos de Donald Trump dimanche 11 février. L’ancien président a, lors d’un meeting en Caroline du sud, quasiment promis d’abandonner tout pays allié membre de l’OTAN qui ne dépenserait pas suffisamment pour sa défense. Il a même, dans une formule à la Trump, incité la Russie à s’en prendre à l’OTAN pour tester l’Alliance.

Et alors? «L’armée européenne existe, c’est l’OTAN. Il ne faut pas imaginer que sans les États-Unis, nous serions demain dépourvus d’infrastructures», juge le Général Christophe Gomart, interrogé lors de l’émission Sens Public de Public Sénat. La phrase mérite d’être méditée, au moment où tous les pays alliés de ce côté-ci de l’Atlantique se demandent si Trump les menacent sérieusement ou pas. La présidente de la Commission européenne Ursula von Der Leyen, qui devrait sous peu annoncer sa candidature à un prochain mandat, a officiellement apporté son soutien, le 15 février, à l’idée d’un commissaire chargé des questions de défense. Cela serait crucial pour les aspects industriels. Mais pour le reste, l’armée européenne existe bel et bien.

La Suisse l’a compris

La Suisse, d’ailleurs, l’a bien compris. Pays neutre, comme l’Autriche et l’Irlande, la Confédération exclut de suivre l’exemple de la Finlande et de la Suède qui ont décidé de rejoindre l’OTAN après l’agression russe contre l’Ukraine le 24 février 2022. La Finlande est déjà dedans. La Suède intégrera l’Alliance dès que le parlement hongrois aura ratifié son adhésion, sans doute lors d’une session extraordinaire à la fin février. Mais que fait l’armée Suisse? Elle coopère avec ses alliés de l’OTAN. Et qui sont ses interlocuteurs au sein de la plus puissante coalition militaire au monde? La plupart du temps, des officiers européens.

«La grande vertu de Trump est qu’il nous oblige à penser l’OTAN autrement», insiste le Général Gomart, ancien chef du renseignement militaire français. «Nous disposons sur le sol européen d’une formidable infrastructure de défense. Nous ne sommes pas nus face à la menace russe, au contraire. L’OTAN a été conçue pour contrer l’ex-URSS et les forces du pacte de Varsovie. Alors, cessons d’avoir peur!»

Le rôle joué par la guerre en Ukraine

L’enjeu est de savoir à quoi va ressembler cette armée européenne à laquelle, paradoxalement, la guerre en Ukraine est en train de donner naissance. Pour Donald Trump, c’est clair: il doit s’agir d’armées nationales européennes qui achètent du matériel américain à gogo, ce qui remplira les caisses des industriels outre-atlantique, et qui permettra au Pentagone de garder des «verrous» sur l’emploi de certains systèmes d’armes. 

Mais à la Conférence sur la sécurité de Munich, certains dirigeants présents comme Emmanuel Macron vont redire que l’OTAN n’est pas nécessairement synonyme d’équipements militaires «made in USA». Le président français en a parlé récemment avec l’un des chefs de gouvernement les plus atlantistes: le premier ministre polonais Donald Tusk. Le Royaume-Uni, très lié aux États-Unis, sait aussi que son industrie de défense doit renaître. Donald Trump a, par ses excès, montré le chemin: ce qu’il faut, c’est garder l’Otan mais le «désaméricaniser».

Le point de vue de Biden

Sur ce dossier, l’actuelle administration Biden est ambivalente. Joe Biden est un vieux président de 81 ans qui aime l’Europe et la connaît. Pour lui, les 29 pays européens membres de l’OTAN (aux côtés des Etats-Unis et du Canada) ont toujours été des vassaux. Biden n’est pas naturellement le défenseur d’une autonomie militaire européenne. Alors, avec qui en parler? Le fait que la vice-présidente américaine Kamala Harris soit présente à Munich est une bonne occasion juge-t-on à Paris et à Berlin, où le président ukrainien est attendu vendredi 16 février, avant de se rendre lui aussi à Munich.

Faire l’armée européenne est un processus du domaine du possible. «Ce qu’il faut, c’est ne pas le gâcher et l’empêcher avec trop de considérations politiques. Les budgets de défense et les unités militaires resteront nationaux. Ce sont les commandes, les matériels, les industries qui doivent être communs», juge, à Bruxelles, un haut responsable militaire.

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