C'est bien connu, Benjamin Franklin disait: «En ce monde rien n'est certain, à part la mort et les impôts». À cela, on pourrait ajouter l'éclatante victoire de Vladimir Poutine lors des élections présidentielles russes de ce dimanche. La Zurichoise Maria M.* sera l'une de celle qui la rendra possible. «Bien sûr que je vote Poutine, il aime son pays. Sous sa direction, la Russie a fait un grand pas en avant», explique cette citoyenne russe. Blick a parlé avec des électeurs de Poutine en Suisse, mais aussi avec certains de ses opposants. Comment peut-on vivre ici dans une démocratie, tout en soutenant un autocrate dans son pays? Quelques pistes de réponse.
Une nette majorité des quelque 16'000 Russes de Suisse pense comme Maria M. «J'ai au moins 25 amis ici qui vont voter pour Poutine», explique-t-elle. Selon eux, il est le seul à pouvoir empêcher le pays de retomber dans l'anarchie et à garantir la stabilité.
Vladimir Poutine, ce héros
«Mes amis en Suisse soutiennent Poutine, ne serait-ce que parce qu'il représente un contrepoids aux États-Unis», souligne l'électrice russe. De nombreux critiques suisses de Poutine n'ont aucune idée de la situation réelle en Russie, selon elle. La Zurichoise d'adoption est critique sur les Suisses: «Vous ne connaissez même pas votre propre histoire. Les Suisses sont plus faciles à manipuler que nous les Russes.»
Tatjana* de Schlieren (ZH) est tout à fait du même avis: «Mes amis suisses sont même jaloux de nous, les Russes, parce que nous avons un leader intelligent, attentionné et diplomate». Elle, qui vit en Suisse depuis plus de 20 ans, participera cette année pour la première fois aux élections président elles. «Je donnerai ma voix à Poutine, car lui seul peut faire avancer le pays.»
«Poutine fera un score record en Suisse»
En prévision des élections présidentielles russes, Blick s'est entretenu avec une demi-douzaine d'électeurs et électrices de Poutine en Suisse. Personne ne veut se présenter sous son nom complet. Mais tous sont sûrs d'une chose: leur candidat, qui dirige la Russie depuis plus de 20 ans, continuera à briller ce dimanche.
Même les critiques de Poutine résidant en Suisse n'ont aucun doute à ce sujet. «Poutine gagnera encore plus nettement dans ce pays que lors des dernières élections», affirme Oleg Nenashev de l'association suisse «La Russie du futur», qui s'oppose à Poutine. Lors des dernières élections, Poutine avait obtenu environ 70% des voix chez les Russes de Suisse. «Cette fois-ci, ce sera encore plus clair, car l'opposition n'est pas unie», dit l'habitant de Neuchâtel.
Sur le bulletin de vote que les citoyens russes en Suisse peuvent déposer dimanche à l'ambassade à Berne ou au consulat à Genève, trois autres candidats sont proposés en plus de Poutine. Tous sont plus ou moins dans la ligne de Poutine. Les seuls véritables opposants ont été soit éliminé par Poutine (Alexei Navalny), soit rayés des listes électorales (les opposants à la guerre Boris Nadejdine et Ekaterina Duntsova).
L'association d'Oleg Nenashev ne l'entend pas de cette oreille et a annoncé pour dimanche midi des actions de protestation à Berne et à Genève sous le slogan «Midi contre Poutine». Elle conseille soit d'écrire sur le bulletin un nom qui n'est pas en lice, soit simplement de faire plusieurs croix pour que le bulletin de vote soit invalidé. «Nous pouvons ainsi montrer au monde qu'il y a de nombreux Russes qui ne soutiennent pas le régime», explique Oleg Nenashev.
L'astuce russe des «âmes mortes»
Ces élections ne sont évidemment pas équitables, souligne Gulnaz Partschefeld, chargée de cours en histoire de la culture russe à l'Université de Saint-Gall et elle-même citoyenne russe. «Les observateurs électoraux de l'étranger ne sont pas autorisés à analyser les résultats de l'intérieur. Dans les territoires occupés de l'Ukraine, on utilise des listes électorales d'avant-guerre, ce qui représente plusieurs centaines de milliers 'd'âmes mortes' (ndlr: référence au roman du russe Nicolas Gogol, paru en 1842), c'est idéal pour manipuler les élections!»
Pour Vladimir Poutine, un résultat clair est extrêmement important, explique encore Gulnaz Partschefeld. «Il doit convaincre les élites russes de sa légitimité. Elles ne doivent pas avoir l'impression que sa popularité a baissé». Les élites sauraient que seul un Vladimir Poutine fort stabiliserait le système dont elles profitent.
Même si cela ne change rien au résultat lui-même: «Participer et faire part de ses protestations n'a jamais été aussi important», affirme Gulnaz Partschefeld. Selon elle, Navalny l'a bien résumé: «Tout ce dont le mal a besoin pour triompher, c'est de l'inaction de quelques bonnes personnes.»
* Noms modifiés