Le monde entier a les yeux rivés sur les Etats-Unis ce mercredi. Plus précisément sur la roseraie de la Maison Blanche, le jardin jouxtant le Bureau ovale, où le président américain Donald Trump lancera à 22 heures, heure suisse, le prochain round de sa guerre commerciale. Il imposera de nouveaux droits de douane punitifs lors de son «jour de la libération». Pour l'instant, aucune mesure précise n'a filtré mais il est possible que ce jour marque la fin du partenariat américano-européen.
Jusqu'à présent, les réactions de l'Union européenne (UE) aux droits de douane punitifs de Trump ont été plutôt douces. Bruxelles a répondu aux taxes d'importation sur l'acier et l'aluminium par des droits de douane ciblés sur des produits américains comme les motos, les jeans et le whisky. Leur introduction a toutefois été reportée à la mi-avril. Mais cette semaine, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est passée en mode attaque. «Nous ne voulons pas forcément riposter, mais si cela s'avère nécessaire, nous avons un plan solide», a-t-elle déclaré au Parlement européen. Elle ne s'est pas montrée plus concrète. Mais il est clair que l'Union européenne a quelques atouts dans sa manche pour contrer les droits de douane de Trump.
La riposte douanière: «œil pour œil»
Depuis son retour dans le Bureau ovale, Trump fulmine contre l’Europe, qu’il juge commercialement injuste envers les Etats-Unis. L’UE s’est donc préparée à cette confrontation. Mi-mars, Bruxelles a dévoilé une liste de représailles, jusqu’alors confidentielle: 99 pages recensant environ 3000 produits américains susceptibles d’être taxés. Les Européens reprendraient donc à leur compte l'adage millénaire: œil pour œil, dent pour dent.
Mais il y a un hic! L'Union européenne a un important excédent commercial vis-à-vis des Etats-Unis. L'année dernière, il s'élevait à près de 200 milliards de dollars (l'équivalent d'un peu plus de 176 milliards de francs). Dans la guerre commerciale avec Trump, ce chiffre est un désavantage… et pas des moindres. Puisque l’Europe exporte bien plus vers les Etats-Unis qu’elle n’importe, Trump dispose de plus de points faibles sur lesquels frapper. L’UE doit donc explorer d’autres leviers.
Attaquer les géants de la tech
Un examen attentif de la balance commerciale révèle un élément clé: les Américains dominent largement le secteur des services. Et ce sont surtout les géants de la tech qui profitent de cette position.
Ces entreprises, issues de la Silicon Valley, entretiennent d’étroites relations avec Trump. Pour les frapper directement, Bruxelles pourrait instaurer une taxe sur le numérique, qui viserait les transactions et revenus des plateformes américaines en Europe. Une telle mesure toucherait des mastodontes comme Meta (Facebook), Google, Apple ou Microsoft, dont l’influence est majeure dans l’économie américaine.
L’arme nucléaire économique: le blocage total
Si l'UE ne veut pas céder dans cette guerre commerciale, elle pourrait recourir à son arme la plus redoutable: l'instrument anti-coercition. Un nom aux airs inoffensifs, mais aux effets dévastateurs. Bernd Lange, président de la Commission du commerce international de l'UE, l'a récemment qualifié d'«arme nucléaire économique» dans les colonnes du journal «Die Zeit». L'instrument, entré en vigueur fin 2023, permet à l'UE de suspendre complètement ses échanges commerciaux avec un pays tiers si celui-ci menace l'Europe.
L'instrument anti-coercition peut toutefois être utilisé de manière très large. L'Union européenne peut par exemple exclure les entreprises américaines des marchés publics ou restreindre l'accès des banques américaines au marché financier et aux capitaux européens. Mais une telle riposte aurait un coût élevé pour l’Europe elle-même. Elle l'utiliserait donc en dernier recours, tel un message clair à Washington signifiant que l’Europe ne se laissera pas faire.