Ce procès a été largement considéré comme un test pour le pouvoir central fragile de la Bosnie coiffant les deux entités autonomes, serbe et croato-musulmane, après que le leader serbe de 65 ans, au pouvoir depuis 2006, a ouvertement bafoué l'accord de paix et la justice.
«Le tribunal a condamné l'accusé Milorad Dodik à un an d'emprisonnement, ainsi qu'à une mesure de sécurité consistant à lui interdire d'exercer les fonctions de président de la Republika Srpska (l'entité serbe de Bosnie) pendant six ans», a indiqué la Cour de Bosnie-Herzégovine dans un communiqué.
Milorad Dodik, qui n'avait pas été arrêté et n'assistait pas au verdict, a immédiatement dénoncé le verdict lors d'un rassemblement à Banja Luka, chef-lieu de la Republika Srpska.
«Je ne suis pas coupable»
«Il faut en sourire! Je suis condamné à un an de prison pour leurs conneries et leur prison», a-t-il lancé à la foule. «Ils disent que je suis coupable, mais les gens ici vous diront pourquoi je ne suis pas coupable», a-t-il ajouté.
Il était accusé d'avoir promulgué en juillet 2023 deux lois adoptées par le Parlement de la Republika Srpska, qui interdisaient l'entrée en vigueur dans l'entité serbe des arrêts de la Cour constitutionnelle bosnienne et les décisions du Haut représentant Christian Schmidt.
Le parquet avait requis une peine «proche de la maximale», cinq ans de prison pour cette infraction, et assortie d'une interdiction d'exercer des fonctions publiques pendant dix ans.
Un procès politique?
L'accusé a le droit de faire appel, et Milorad Dodik avait averti que le verdict serait rejeté par les institutions de la Republika Srpska s'il venait à être reconnu coupable.
«C'est un combat décisif pour nos droits», avait-il lancé mardi à plusieurs milliers de personnes déjà réunies à Banja Luka pour le soutenir, s'engageant à «préserver la paix».
Milorad Dodik dénonce depuis le début un «procès politique» et affirme qu'il s'agit d'une «poursuite» des sanctions américaines - dont il est frappé depuis 2017 à cause de sa politique séparatiste -, avec l'objectif de l'"éliminer de l'arène politique».
«Votre verdict va déterminer l'avenir de la Bosnie», avait-il déclaré à la juge de la Cour d'Etat lors de la clôture du procès.
Plusieurs Menaces
«Je suis le seul homme en Europe qui est jugé pour un acte criminel qui n'existe pas dans le code pénal, tel qu'il a été adopté par le Parlement» bosnien, avait dénoncé Milorad Dodik dans son plaidoyer.
C'est justement une modification du code pénal, imposée par Christian Schmidt en juillet 2023, pour y introduire le délit de non-respect des décisions du Haut représentant, qui avait permis au parquet d'inculper le dirigeant politique.
Pour Milorad Dodik, Christian Schmidt «n'a pas le droit de modifier les lois par ses décisions». Le dirigeant serbe conteste la légitimité de l'ancien ministre allemand depuis sa prise de fonctions en Bosnie en 2021.
Et il l'a répété à la cour. Pour lui, Christian Schmidt «n'a pas été légalement élu» car sa nomination, par le Conseil de mise en oeuvre de la paix (PIC) en Bosnie, n'a pas été validée par le Conseil de sécurité de l'ONU, comme celles de ses prédécesseurs.
Près de 100'000 morts
Prévu par l'accord de paix de Dayton (Etats-Unis), qui a mis fin à la guerre en Bosnie (1992-1995), le Haut représentant a été doté fin 1997 de pouvoirs discrétionnaires lors d'une conférence internationale.
Ces outils devaient lui permettre de «prendre des décisions contraignantes» et des «mesures provisoires», voire de limoger des élus qui s'opposaient à la réunification du pays après le conflit qui y a fait près de 100'000 morts.
La communauté internationale «reste vigilante»
Milorad Dodik estime que ces temps ont évolué et il réclame depuis des années la suppression de cette fonction.
Ces derniers jours, il avait menacé d'annuler unilatéralement, en cas de condamnation, les réformes adoptées pendant des années pour renforcer l'Etat central. Puis dans une «deuxième phase» de proposer à la Serbie de bâtir une «confédération» avec l'entité serbe de Bosnie.
«La Bosnie-Herzégovine n'est pas négociable», avait pour sa part déclaré mardi Christian Schmidt devant la presse. «Soyez assurés que la communauté internationale reste vigilante (et) fermement engagée en faveur de la paix et de la stabilité dans cette région», a-t-il ajouté.