Découvrir des talents est son métier. C'est son œil avisé qui a décelé celui de Greta Thunberg: Ingmar Rentzhog est expert en relations publiques et c'est lui qui a pris la première photo de la Suédoise devant le Parlement à Stockholm. Blick a rencontré Ingmar Rentzhog à Zurich lors de la Noah Conference, rencontre où les entreprises durables échangent leurs idées.
Sans vous, Greta serait-elle aussi célèbre qu'elle ne l'est aujourd'hui?
Ingmar Rentzhog: Elle serait certainement devenue célèbre. Mais peut-être pas aussi vite et pas de manière mondiale.
Vous avez fait plus que juste prendre sa photo. Vous l'avez présentée à des personnes et des organisations importantes et vous avez fait en sorte qu'elle soit invitée au sommet sur le climat à Katowice (Pologne). Pourquoi elle?
Le moment était venu de personnaliser la crise climatique. Nous avions déjà montré des militantes et des militants sur notre plateforme. Mais personne qui soit aussi réel et aussi passionné par l'expression de notre message. Greta était si spéciale parce qu'elle n'appartenait à aucune organisation, n'avait pas de groupe, mais agissait seule.
Comment avez-vous rencontré Greta?
Quelqu'un du mouvement climatique en Suède m'a donné le tuyau: il y avait quelqu'un qui faisait la grève de l'école pour le climat. J'ai trouvé l'idée intéressante et je suis alors passé devant le Parlement suédois avec un photographe. Je m'attendais à voir un petit groupe d'enfants crier quelques slogans. Au lieu de cela, il n'y avait que Greta, assise avec sa pancarte. Toute seule, comme si elle portait tout le poids du monde sur ses épaules. Les gens passaient devant elle comme c'était une mendiante. Cela m'a ému.
Le Suédois Ingmar Rentzhog a longtemps travaillé dans l'industrie financière en tant qu'entrepreneur et a conseillé Blackrock, JP Morgan ou UBS sur la communication avec les investisseurs. L'élection de Donald Trump a marqué un tournant dans sa carrière. Depuis, il s'occupe de «We don't have time», une sorte de réseau social dans lequel les utilisateurs peuvent évaluer les mesures climatiques prises par des entreprises ou des organisations. Les entreprises paient des frais d'adhésion pour leur présence.
Le Suédois Ingmar Rentzhog a longtemps travaillé dans l'industrie financière en tant qu'entrepreneur et a conseillé Blackrock, JP Morgan ou UBS sur la communication avec les investisseurs. L'élection de Donald Trump a marqué un tournant dans sa carrière. Depuis, il s'occupe de «We don't have time», une sorte de réseau social dans lequel les utilisateurs peuvent évaluer les mesures climatiques prises par des entreprises ou des organisations. Les entreprises paient des frais d'adhésion pour leur présence.
Pourquoi était-elle assise seule?
Je ne le sais pas. Mais je pense que c'est parce que son action était inhabituelle. Au début, même les ONG n'étaient pas à l'aise avec le fait qu'une enfant sèche l'école pour le climat.
Et ensuite?
J'ai parlé avec Greta. C'était très émotionnel. A un moment donné, nous avons presque pleuré tous les deux. Je voulais qu'elle dise quelque chose à la caméra. En anglais, parce que nous sommes une organisation internationale. Si tu veux changer le monde, le suédois ne te mènera nulle part. Elle a alors dit quelque chose comme: «Les politiciens n'en ont rien à foutre de notre avenir, et ils nous laissent seuls, nous, les petits enfants». J'ai tout de suite compris à quel point elle était talentueuse.
Vous avez donc décidé de rendre Greta célèbre?
En fait, je voulais juste publier cette vidéo sur notre plateforme. Nous pensions que sa grève pourrait devenir un exemple pour d'autres. Mais je n'arrivais pas à me sortir de la tête l'image de cette fille solitaire. J'ai donc écrit un autre message personnel sur Facebook, dans lequel j'ai demandé à chacun de la soutenir. Le post est devenu viral. Soudain, des gens et des journalistes du monde entier m'ont contacté pour me demander où se trouvait Greta. Après quelques jours, d'autres enfants se sont assis à ses côtés. Certains avec leurs enseignants.
C'était la naissance des «Fridays for Future».
C'en était certainement le point de départ, même si le mouvement n'a été fondé que quelques mois plus tard.
Greta a été brièvement conseillère dans votre entreprise «We don't have time». Quelle est votre relation avec elle aujourd'hui?
Nous nous parlons de temps en temps, mais cela fait longtemps maintenant que je n'ai pas eu de ses nouvelles. Nous sommes tous les deux très occupés.
La raréfaction des contacts n'a donc rien à voir avec le fait que vous avez gagné de l'argent grâce à son image et qu'elle ne voulait plus faire partie de votre organisation?
Elle est devenue plus grande que nous et voulait être indépendante, ce que je comprends. C'est ce qui fait son succès. Mais nous avons de bonnes relations et je ne l'ai jamais «dirigée», comme le prétendent les complotistes sur Internet.
Êtes-vous satisfait de l'évolution de Greta?
Elle a fait un travail incroyable pour faire avancer la question du climat et pour vraiment faire prendre conscience au monde que nous avons un problème. Et que nous n'avons plus beaucoup de temps pour le résoudre. Sans elle, il n'y aurait probablement même pas de conférences comme celle-ci, où plus de 250 entreprises présentent leurs idées pour davantage de durabilité. Greta a certainement accéléré les choses de cinq ou dix ans. Mais si elle ne l'avait pas fait, quelqu'un d'autre l'aurait peut-être fait. Maintenant que la crise climatique retient l'attention, nous devons veiller à nous concentrer sur les solutions.
Quel rôle devrait-elle jouer dans ce contexte?
Elle a maintenant 18 ans, elle est adulte. C'est super qu'elle s'attaque aux puissants, mais je trouverais préférable qu'elle se lance elle-même dans la politique maintenant. Il est temps pour elle de ne plus se contenter de critiquer l'élite dirigeante, mais de prendre elle-même ses responsabilités. Elle pourrait devenir une grande femme politique.
Pour quel mandat devrait-elle se présenter? Comme Première ministre suédoise?
Pourquoi pas? Mais je pense à quelque chose d'encore plus grand, de plus international. La Première ministre suédoise a un poste important, mais elle ne changera pas le monde.
Une chose vous distingue fondamentalement de Greta et de son mouvement: vous êtes convaincu que le capitalisme et la protection du climat vont de pair.
L'argent contrôle le monde et les gens. Qu'on le veuille ou non. La plupart des gens iront par exemple toujours vers l'alternative la moins chère, peu importe ce que cela signifie pour l'environnement. Et pour les entreprises, il est rentable à court terme de détruire la planète. Mais on peut changer les règles de ce système capitaliste. Depuis le sommet sur le climat de Glasgow, 500 milliards de subventions ont été versés par les gouvernements aux énergies fossiles. Si nous supprimons les subventions pour les énergies fossiles, les technologies vertes et alternatives deviendront rentables. Est-ce que je crois que le capitalisme est le problème? Oui. Mais le seul moyen de résoudre la crise climatique est de rendre le sauvetage de la planète rentable et sa destruction très chère.
Comment des entreprises et des industries entières dont tout le modèle commercial repose sur le charbon et le gaz peuvent-elles changer?
Au lieu de verser leur argent à des actionnaires ou de le dépenser en lobbying, elles pourraient l'investir dans les énergies renouvelables. C'est tout. Cela a déjà fonctionné pour une autre crise environnementale: le trou dans la couche d'ozone. A l'époque, en 1987, les dirigeants des Etats et des entreprises se sont réunis jusqu'au matin à Montréal et ont décidé d'interdire les produits chimiques contenant du chlore et du brome, qui détruisent la couche d'ozone dans la stratosphère. Les multinationales de la chimie ont joué le jeu. Parce qu'elles ont compris qu'elles pouvaient vendre d'autres produits chimiques à la place. Si cela n'avait pas été le cas, nous développerions aujourd'hui un cancer de la peau dès que nous nous promenons dehors sans protection.
Cela signifie que si nous parvenons à faire monter les entreprises à bord et à être suffisamment innovantes, nous pouvons continuer à consommer comme avant?
Non, nous devons quand même changer notre comportement. Nous devons consommer moins. Les produits verts ne suffiront pas. Non seulement à cause des émissions, mais aussi parce que nous manquons tout simplement de matière première et que notre consommation menace non seulement le climat, mais aussi la biodiversité.
Comment y parvenir?
Je pense que nous pouvons avoir une très bonne vie en consommant moins. Un changement de mentalité est important. Avoir sa propre voiture et une grande maison ne doit plus être un symbole de réussite sociale. Nous devons rendre cool les objets d'occasion et les petites surfaces habitables. Cela fonctionne déjà très bien pour l'industrie de la viande: les gens comprennent que l'alimentation à base de plantes est plus saine, qu'ils vivent plus longtemps. Et ceux qui aiment la viande peuvent quand même en manger de temps en temps.
Pas d'interdictions, donc?
La contrainte ne fonctionne pas. Je préfère montrer aux gens comment je fais, par exemple. C'est beaucoup plus inspirant et c'est ainsi que fonctionne le modèle commercial de notre plateforme. Celui qui fait quelque chose de bien pour le climat – même s'il ne s'agit peut-être que d'une mesure isolée – reçoit des «applaudissements climatiques». Tout le monde aime être félicité, cela fait du bien. Dans l'idéal, on a donc un très bon sentiment lorsqu'on change quelque chose à son comportement nuisible au climat.
Peu de gens consomment plus que les Suisses. La loi sur le CO2 a été rejetée. Que pensez-vous de la Suisse?
Elle fait partie des mauvais élèves. Comme presque tous les autres pays. Il y a des choses que vous faites très bien. Quand je suis arrivé ici, j'ai par exemple remarqué les voitures de police électriques. Il y a beaucoup d'innovation. Mais les émissions sont élevées, la Suisse – tout comme la Suède ou les Etats-Unis – n'agit pas comme un modèle alors qu'elle le pourrait.
Que pourrions-nous faire de mieux?
Il faut une taxe CO2 efficace. Mais il faut mieux vendre l'idée: davantage de gens doivent y gagner. Taxez les entreprises pétrolières, les grandes industries! Et redistribuez l'argent directement aux gens. Tout le monde comprendra alors qui est perdant.